Plusieurs seront surpris de m’entendre faire une telle déclaration parce que j’ai toujours dit que c’est le modèle agricole idéal pour la société québécoise. Mais au Québec les institutions agricoles qui avaient pour tâche de le défendre et d’en faire la promotion l’ont abandonné au profit de leurs intérêts corporatifs. Le syndicalisme agricole et la coopération agricole ne sont plus au service de la ferme familiale indépendante.
Quand le président de l’U.P.A est indifférent au choix de la ferme qui reste familiale ou qui s’intègre et qu’il dit qu’un modèle ou l’autre est valable, il ne défend plus la ferme familiale indépendante. Il ne défend pas non plus la ferme intégrée dont il ne négocie même pas les contrats d’intégration se disant que le manque à gagner de l’intégré sera compensé par les paiements de l’A.S.R.A. Alors tout est en place pour faire disparaitre la ferme familiale. Il ne restera plus qu’aux financiers à acheter les terres à cultiver pour que l’intégrateur fasse faire le travail à forfait par un agriculteur à contrat. Et, le tour sera joué.
On me dira que je suis pessimiste. Je suis plutôt réaliste parce que nos institutions créées pour défendre la ferme familiale autonome au Québec ne jouent plus leur rôle. Même la Fédérée qui a intégré la ferme des coopérateurs ouvre aujourd’hui des filiales dans l’ouest du Canada. La coopération qui était autrefois au service de la ferme familiale indépendante a décidé d’intégrer les agriculteurs coopératifs pour en faire des employés à contrat. Tout cela sans débat comme si les coopérateurs étaient indifférents. La fierté du coopérateur, propriétaire indépendant, n’est plus là; Elle a disparu ou peut-être n’a-t-elle jamais existé. L’intérêt corporatif a pris le dessus comme dans les grandes banques.
Et graduellement, tout se réaligne sans faire semblant de rien comme si rien n’avait changé. Le gouvernement fait semblant de ne se rendre compte de rien parce que c’est plus facile de ne pas se poser de questions.
Alors pourquoi payer des cotisations à un syndicat qui ne défend plus la ferme familiale indépendante pas plus que les contrats d’intégration pour que l’agriculteur intégré obtienne le meilleur forfait de production. À quoi bon puisque l’A.S.R.A. paiera de toute façon? À moins que l’agriculteur ait fini par croire que le rôle de l’U.P.A. c’est de lui permettre d’obtenir un remboursement de ses taxes foncières municipales sur sa terre et sa ferme comme si ce n’était pas le gouvernement qui décidait de lui faire ce remboursement.
Naturellement, l’agriculture familiale québécoise vit sur du temps emprunté. Déjà, les loups sont dans la bergerie et se préparent à remplacer le modèle traditionnel du Québec parce qu’ils le sentent essoufflé et que ses défenseurs traditionnels veulent se partager sa dépouille. Et on a déjà entrainé des travailleurs venus d’ailleurs pour faire le travail sur nos fermes.
Tout est en place pour liquider la ferme familiale. La finance pour acheter les terres, les intégrateurs pour les faire produire à forfait, les travailleurs pour être intégrés. Pourquoi se “badrer“ d’une ferme familiale indépendante qui n’a plus sa place et que plus personne ne défend sauf du bout des lèvres…pour ne pas avoir l’air de renier le passé. Alors la coopérative pourra devenir une grande entreprise d’intégration qui n’aura pas besoin de syndicat. Et la boucle sera bouclée.
Pour rejoindre Jean Garon: jeanrgaron@videotron.ca