L’application de la nouvelle classe 7 au lait satisfait les transformateurs d’ici, au point que le lait diafiltré américain les intéresse passablement moins. Avec un resserrement des contrôles par Douanes et Assises Canada aux frontières, la panique s’installe aux États-Unis.
Au début d’avril, en réaction à la baisse de ses ventes en sol canadien, la firme Grassland Dairy Products, de Greenwood au Wisconsin, avisait 75 producteurs laitiers de l’État qu’elle ne collectera plus leur lait à compter du 1er mai prochain. Grassland accuse le Canada d’être à la source de leurs problèmes.
Dans une lettre virulente, des leaders agricoles des états du Wisconsin et de New York exhortent le ministère américain de l’Agriculture (USDA) d’aider les «agriculteurs qui peuvent cesser leurs activités parce que le Canada taxe une importation de produits laitiers pour la première fois », rapportait le journal USA Today, le 7 avril dernier.
Ajoutant une couche à l’esprit de panique qui court, la fédération nationale Dairy Farmers of America estime les pertes en centaines de millions de dollars, avec la fermeture des frontières canadiennes.
Mensonges et demi-vérités
Les Producteurs de lait du Canada (PLC) n’ont pas tardé à réagir au discours américain.
« Malheureusement, leur argument est rempli de mensonges et de demi-vérités, ils cherchent un bouc émissaire, réplique Isabelle Bouchard, porte-parole des PLC. Les Américains font beaucoup de bruit pour pas grand-chose. En créant la classe 7, l’industrie canadienne a répondu à un besoin de son marché et offre maintenant un produit compétitif face au lait-diafiltré. La libre concurrence, si c’est bon pour eux, c’est bon pour nous aussi », ajoute-t-elle lors d’un entretien téléphonique.
Grassland est l’un des fournisseurs de lait à Parmalat au Canada et avec l’ouverture, au début avril, de sa toute nouvelle usine à Winchester en Ontario, la multinationale italienne, appartenant au géant Lactalis, importerait passablement moins de lait diafiltré pour répondre à ses besoins en yogourt et fromages, selon certaines sources québécoises.
Parmalat confirme l’ouverture de ses nouvelles installations de Winchester, mais refuse de commenter les modifications que celles-ci ont apportées à ses ententes d’achat de lait. « Ce sont des affaires industrielles qui ne sont discutées qu’à l’interne », a déclaré Anita Jarjour, porte-parole de Parmalat.
« Les Américains connaissent la classe 7 et ils savaient qu’elle aurait un impact sur leurs ventes de lait diafiltré au Canada. Ils jouent à la vierge offensée, mais ils n’ont rien fait pour préparer leurs producteurs laitiers à la baisse de leurs exportations », analyse de son côté Bruno Saint-Pierre, un producteur laitier de l’Outaouais.
« C’est toujours la faute du voisin, et ils profitent du resserrement aux frontières pour demander au gouvernement américain de les aider à envahir le Canada. Faut bien comprendre que la Dairy Farmers of America est notre pire ennemie. Les Américains ne vont pas cesser de se plaindre sans regarder en face qu’ils sont en surproduction laitière. Pour eux, la gestion de l’offre est à abattre et ils pensent avoir gain de cause à cause de l’appui féroce de Bogdan Wankowicz au Congrès américain », croit de son côté le fromager Denis Cottin.
Surproduction mondiale
Les médias américains commencent à comprendre que l’industrie laitière utilise des faits alternatifs pour ne pas avoir à se poser de questions sur sa manière de travailler, poursuit Isabelle Bouchard de PLC.
« Nous sympathisons réellement avec les producteurs laitiers du Wisconsin. Mais leur réalité ne justifie pas ce que les exportateurs font, argumente Isabelle Bouchard. La vérité est que les marchés américains et mondiaux des produits laitiers sont actuellement trop saturés (…) Aux États-Unis, la sur-offre du lait est exacerbée dans un environnement où la capacité de traitement manque. Le résultat final est la perte d'emplois, la perte de revenus pour les agriculteurs et, dans certains cas, les agriculteurs doivent fermer leurs fermes. »
« Nous connaissons aussi ces défis au Canada. Malheureusement, ce problème dépasse nos deux pays. C'est global ", a déclaré Jacques Lefebvre, président de l'Association des transformateurs laitiers du Canada, dans une lettre adressée à Chad Vincent, le chef de la direction du Wisconsin Lek Marketing Board.
En effet, tout à s’attaquant au Canada, le secrétaire à l'agriculture du Wisconsin Ben Brancel et le commissaire à l'agriculture de New York, Richard Ball, réclament du gouvernement américain de « les aider dans nos efforts pour soutenir nos producteurs en exerçant son pouvoir d'acheter du fromage et du beurre dans le stockage et de le distribuer par le biais des programmes d'aide nutritionnelle du USDA, y compris les banques alimentaires et nos programmes scolaires nationaux ", rapporte le Milwaukee Journal Sentinel.
Sur les photos: Bruno Saint-Pierre, producteur de lait au Québec; Denis Cottin, fromager et Isabelle Bouchard, directrice des communications PLC – Photo de la Une: Crédit/L'aut'journal