Un peu moins d’un mois après sa nomination comme ministre canadienne de l’Agriculture et de l’Alimentation, Marie-Claude Bibeau était à Drummondville, le 28 mars, pour rencontrer les producteurs de grains du Québec dans le cadre de leur Assemblée générale annuelle. Une façon pour elle de prendre contact avec l’une des instances d’importance de l’agriculture au pays et d’envoyer un message comme quoi elle porte un intérêt sincère pour le secteur des grains, a-t-elle souligné. Elle a été interpellée au cours de sa visite par un producteur sur la réciprocité et Christian Overbeek a réclamé des engagements avant les élections de l’automne.
«Je privilégie le contact direct» dit la ministre Bibeau
«J’espère que la rencontre d’aujourd’hui sera le début d’une belle relation», a lancé la ministre à la fin de son allocution au cours de laquelle elle a rappelé les engagements du gouvernement Trudeau dans l’innovation et la recherche, la promotion des produits canadiens, la connectivité dans les régions rurales, les exportations agroalimentaires, la réforme réglementaire et l’ouverture des marchés internationaux.
«C’est une relation qui se fera en continu avec les différentes industries, a-t-elle ajouté, en entrevue à La Vie agricole. Je participe à de grands événements comme celui-là, mais j’aime aussi tenir des tables rondes quand je suis de passage en région. Je privilégie le contact direct et les visites sur le terrain. Ça me permet de bien saisir les enjeux.»
La ministre a d’ailleurs été questionnée sur les différents sujets d’actualité liés au secteur du grain lors de son passage devant une salle bondée de producteurs provenant des différentes régions du Québec qui étaient réunis à l’Hôtel Best Western.
Le Directeur de PGQ joue à Guy A.Lepage avec la ministre Bibeau
Sous la forme d’une entrevue avec le directeur général des Producteurs de Grains du Québec (PGQ), Benoît Legault, qui s’est improvisé en «Guy A. Lepage» pour l’occasion, la ministre a répondu à quatre des douze questions qui avaient été préparées pour elle. La ministre ne pouvait rester plus longtemps. Elle devait reprendre la route pour sauter dans un avion quelques heures plus tard.
Qu’est-ce que le fédéral compte faire pour s’assurer que le marché soit plus stable et prévisible? Pour offrir un environnement d’affaires équitable avec la différence de la hauteur des subventions offertes aux producteurs des autres pays? Son implication dans la reconnaissance des bonnes pratiques? Son rôle pour mieux expliquer la science à la population?
La ministre a insisté sur la diversification des marchés qui offrira de nouvelles opportunités aux producteurs, l’importance d’accroître la recherche et d’avoir une production standardisée pour maintenir la réputation internationale enviable des produits canadiens à l’étranger et de mieux faire connaître les bonnes pratiques aux Canadiens pour les rassurer de ce qu’il y a dans leur assiette.
Marie-Claude Bibeau interpellée sur la réciprocité
À sa sortie de la salle, la ministre a été interpellée par Gaétan Phaneuf, un producteur de Saint-Hyacinthe qui est dans le domaine depuis une quarantaine d’années, sur ce qu’elle entend faire concernant l’enjeu de la réciprocité.
À l’heure où les producteurs doivent répondre à une panoplie de normes sociales et environnementales, le gouvernement laisse entrer au pays des produits de l’étranger qui n’y sont pas soumis. Pendant ce temps-là, le consommateur cherche le meilleur rapport qualité-prix.
«Le gouvernement ne met pas ses culottes. Si tu veux acheter un produit d’ailleurs, t’as deux choix. Tu exiges la même chose ou tu compenses tes producteurs agricoles pour les efforts supplémentaires qu’ils ont mis. Depuis des années, le gouvernement se décharge complètement de ça. C’est ce qui est frustrant», a-t-il plaidé.
La ministre admet que cet enjeu fera partie de sa réflexion. «C’est quelque chose que j’ai entendu à plusieurs reprises. Je l’ai bien compris. Je vais voir ce que l’on peut changer. Je n’ai pas de solution toute faite, mais ce sera à traiter. C’est une de mes préoccupations», a-t-elle confié à La Vie agricole.
Overbeek veut des engagements des libéraux avant les élections
Le président des PGQ, Christian Overbeek, a quant à lui profiter de la période préélectorale pour connaître les engagements des libéraux à propos des ressources financières nécessaires pour assurer une meilleure prospérité aux producteurs de grains. Ce à quoi elle a rétorqué qu’elle entend analyser les faiblesses des différents programmes.
M. Overbeek lui a rappelé qu’au cours des 10 ou 15 dernières années, le fédéral a demandé aux agriculteurs d’être innovants, d’améliorer leur performance et d’être plus présents sur les marchés de l’exportation, tout en s’assurant de bien nourrir les Canadiens, alors que les sommes accordées au ministère de l’Agriculture du gouvernement du Québec ont diminué.
«L’agriculture a quand même beaucoup crû au cours des dernières années, mais pendant ce temps-là, les budgets dévolus à l’Agriculture Agroalimentaire Canada (AAC) ont diminué d’autant», a-t-il par la suite fait valoir, lors d’un entretien avec La Vie agricole, en marge de l’assemblée qui se tenait à huis clos.
«Comment faire pour offrir un programme de protection sur un volume de production qui est plus grand, avec un budget qui est plus petit? Les risques ne sont pas diminués. Avec les différentes guerres commerciales qui surviennent d’un bord et de l’autre, ça met plus à risque les entreprises de grains dont une grande partie de la production est destinée aux marchés de l’exportation», a-t-il rappelé.
«Les producteurs québécois ont reçu trois tôles» dit Overbeek
Christian Overbeek est également revenu sur le tableau préparé par les PGQ sur le désavantage économique des producteurs québécois en raison des retards pris par rapport aux programmes fédéraux des États-Unis.
«Ça représente environ 100 000$ pour un producteur de grains québécois par rapport à un producteur de grains américain, a-t-il indiqué, en subvention, en soutien, en transfert de connaissance, en services auxquels on a à contribuer alors que l’Américain l’a gratuit, en taxes municipales ou en respect de l’environnement. La taxe carbone est un bel exemple. On a à défrayer 3, 4 ou 5 sous du litre d’essence. Ce que les producteurs américains et des autres provinces canadiennes n’ont pas à supporter. C’est quand même 4000$ par année, juste pour cet élément-là.»
«C’est sûr que dans la dernière année, il y a eu la grande subvention pour le soya américain, a-t-il renchéri. Les producteurs américains ont reçu 8 milliards $ de soutien direct. Pendant ce temps-là, le producteur québécois a reçu trois tôles… Il a reçu un petit quelque chose d’Agri Investissement et Agri Québec, mais ça s’arrête-là. Les quelques cennes qu’on a eues, ce n’est rien par rapport aux piastres que les producteurs américains ont reçues.»