Madeleine Maltais et Jacques Laberge
par Jean-Pierre Lemieux
« La seule manière pour me débarrasser d'eux autres c'est de tout vendre ». Après 28 ans en agriculture, c'est là qu'est rendu Jacques Laberge de Laterrière. « On a des infrastructures qui valent des millions mais on n'a pas de revenus ». C'est un troupeau de Jersey, 115 bêtes, qu'il a à vendre. Il a déjà des rendez-vous avec deux acheteurs. Il n'est pas en faillite, il n'a pas à faire une vente de feu, il veut obtenir un bon prix.
« Là après 28 ans je suis épuisé, je me retire de tout ça, pour moi, pour ma santé mentale, ma famille et mes enfants. Quand papa rentre enragé dans la maison… c'est pas aux enfants de payer pour ». Son verdict tombe : « L'UPA pour moi ça été la pire affaire dans ma vie ».
Au cours d'une conversation, l'agriculteur raconte pourquoi il est dans cet état : « chu tanné de me faire bourrer de menteries, de me faire dire: les gars on a pas le choix, les transformateurs, l'industrie est rigoureuse, ils sont exigeants. Y a aussi le consommateur qui est exigeant ». Il constate qu'il y a toujours de plus en plus de contraintes (traçabilité, confort animal) pour sa production mais pas plus de revenus.
« L'UPA t'envoie une menace, t'as pas ton thermographe : pénalité de 4$ de l’hectolitre. Le MAPAQ est passé et il manquait des boucles d'oreille aux vaches. Encore des menaces ». Il se fait dire : « si on revient dans ton étable et qui manque des boucles on va te donner une amende »
Un exemple qui le met en colère : « La boucle d'oreille n'est pas bonne, c'est pas moi qui l'a faite, c'est pas moi qui l'a inventée, c'est pas moi qui l'a exigée mais c'est encore de ma faute si les vaches la perdent ».
Pour lui, la pire chose qui lui est arrivé c'est l'UPA. « si tu passes pas par l'UPA t'as pas de remboursement de taxes, pas de carte de producteur ». M. Laberge se souvient que le rapport Pronovost avait dit que c'était dangereux.
« Là, je suis rendu au bout de mon rouleau. Je suis fait assez fort, j'irai pas me tuer dans ma grange. Je fais une croix sur l'agriculture, je passe à autre chose, je pars une usine de recyclage qui est déjà en branle »
Peu importe la raison, des agriculteurs rendus à ce stade-là, disent tous la même chose : la difficulté c'est de se séparer des animaux. « C'était ma vie, j'y croyais pis j'y crois pu». Il a étiré ça le plus possible, c'est difficile de se séparer de ses vaches.“
M. Laberge se moque de la publicité de la Fédération des producteurs de lait. « La fédération s'occupe de faire tricoter grand-maman à la télé et de la faire boire du lait. On prend ça sur notre paye. Moi, je continue à me serrer la ceinture mais c'est pas grave la madame qui s'occupe de la publicité, elle, elle a du budget ».
« C'est pas normal d'avoir tant travaillé dans la vie et d'avoir si peu » conclut-il.