Un recours collectif pour compenser des producteurs de veaux de lait

par Jean-Pierre Lemieux

C’est par un recours collectif qu’un avocat de Drummondville veut obtenir réparation pour des producteurs de veaux de lait qui ont tout perdu à cause, estime-t-il, d’un type de contrat qu’il voudrait voir déclarer en partie « abusif ».

Lors d’une rencontre à son bureau, Me Paul Biron a expliqué à La Vie agricole qu’il y avait une « entente verbale » cachée dans un des paragraphes du contrat et que c’est précisément cela qu’il entendait contester estimant que cette clause est abusive.

Le contrat

La requérante, Mme Peggy Lambert (Gestion Peggy) fait partie d’un groupe ayant contracté une convention avec la compagnie Écolait Ltée de St-Hyacinthe.

« Ladite convention est un contrat d’adhésion, les stipulations qu’elle comporte ayant été imposées par Écolait, rédigées par elle, et ne pouvaient être librement discutées ». Me Biron affirme que pour la compagnie c’était « à prendre ou à laisser ».

Selon le contrat : « L’éleveur s’engage à s’approvisionner en exclusivité chez un des fournisseurs agréés du fournisseur, pour les nourrissons, tous les aliments, médicaments et les services techniques nécessaires à la production de veaux de lait, selon les formules, méthodes et techniques développées par le fournisseur ».

Pour l’avocat, un paragraphe en particulier pose problème. « Le fournisseur consent à l’éleveur, un prêt sous forme d’ouverture de crédit rotatif, pour le financement de la fourniture des aliments, des nourrissons, des médicaments, des additifs, des services et des autres biens nécessaires ou utiles à l’élevage des veaux(…) »

Dans la requête, Me Biron affirme que les producteurs qu’il défend s’engagent « dans un cercle vicieux d’endettement dont ils ne peuvent sortir en raison du fait que l’intimée (Écolait) se considère en droit de reprendre les sommes versées en vertu du contrat verbal, ce qui constitue un abus et un enrichissement sans cause, puisque ces sommes ne profitent qu’à l’intimée ».

ASRA

En plus de l’engagement à s’approvisionner en exclusivité auprès d’Écolait, le contrat prévoit qu’Écolait est le « mandataire exclusif et irrévocable pour la vente aux abattoirs et/ou autrement des veaux gras ». Le producteur doit aussi céder, en garantie, son adhésion au Régime d’assurance stabilisation de revenus (ASRA).

Le contrat stipule : « l’éleveur s’engage à faire en sorte que le fournisseur apparaisse comme créancier ou bénéficiaire avec lui » auprès de l’ASRA.

Dans sa requête Me Biron fait aussi remarquer que le contrat prévoit en plus l’exclusivité du transport et même que « le produit de la vente des veaux à l’abattoir est versé prioritairement et immédiatement » à Écolait (clause 8 du contrat).

Comme « les seuls revenus d’exploitations agricoles de veaux de lait sont les subventions (ASRA) et les produits de l’abattoir » l’avocat estime qu’il est facile de comprendre pourquoi ses clients se retrouvent dans une situation intenable.

La demande de recours a été déposée le 13 mai en Cour supérieure (chambre civile) district de Saint-Hyacinthe. Me Biron s’attend que le 4 septembre la Cour supérieure annonce la date où elle fera connaître sa décision d’accorder ou non le recours. Il est difficile d’établir à ce moment combien de personnes pourraient être touchées par ce recours mais la compagnie a admis, dans un document déposé à la cour, qu’elle avait 80 producteurs « sous contrat en mode libre-financé ».

Revue de presse

La production de veaux de lait a fait l’objet de nombreux articles dans la presse régionale et nationale depuis trois ans. « Délimax et Écolait dans le collimateur de producteurs de veau » titrait le Courrier de Saint-Hyacinthe en novembre 2010.

La question qui se posait à l’époque (et se pose toujours et dans d’autres productions) : les intégrateurs sont-ils des producteurs, ont-ils le droit de bénéficier de l’ASRA directement ou par ricochet?

En octobre 2010, le journaliste Andrew McIntosh de l’Agence QMI a fait état des dénonciations de producteurs de veaux qui parlaient de ristournes et « autres stratagèmes » qui permettaient à d’importants transformateurs de soutirer de l’argent. La Financière agricole avait fait enquête mais son rapport ne mentionnait pas de noms.

Le journaliste de QMI avait mis la main sur un document qui confirmait même que la Sûreté du Québec avait fait une enquête qui corroborait les affirmations. Le rapport de la SQ n’a pas eu de suite.

Écolait répondra à toutes les procédures

« Il y a un monde entre faire une demande et obtenir un recours collectif ». C’est ainsi que le directeur général de Écolait, M. Yves Barbet, a réagi lorsque nous lui avons parlé de la demande de recours collectif mené par Me Paul Biron.

M. Barbet dit qu’il répondra à toutes les procédures pour expliquer les activités de sa compagnie. M. Barbet se dit bien fier de regrouper 50% des producteurs de veaux de lait et rappelle que sa compagnie est installée ici depuis de nombreuses années.

Sur son site web la compagnie mentionne : « Située à Saint-Hyacinthe, la compagnie Écolait s’est installée au Québec en octobre 1979. Spécialisée dans la production de veaux de lait depuis de longues années en Europe, l’entreprise décide d’exporter son savoir-faire au Québec. »

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