Colbex, Un scandale: C’est si gros !

NDRL : Une opinion de 2005 qui rejoint l’actualité de 2015. Découvrez la lettre originale signée à l’époque par Roméo Bouchard !

Déjà publié dans le journal de L’Union paysanne en février 2005

C’est si gros comme « passe » que ça n’est pas encore complètement dans le sac. Et on ne sait pas encore tout, parce que c’est confidentiel! Et c’est confidentiel, parce ce que c’est une tractation privée, dixit Laurent Pellerin. Le gouvernement Privée? Même si c’est le gouvernement qui va payer! Même si on parle de payer 50 millions pour un abattoir qui n’en vaut pas 10! Même si la ministre Gauthier s’est engagée à combler le déficit pour un prix plancher de 43 cents! Même si le gouvernement québécois s’est fait doublement avoir en présumant une contribution fédérale qui ne viendra jamais, parce qu’il y a l’Ouest aussi qui est pris avec son bœuf! La rançon consentie par Françoise Gauthier, prise en otage par l’UPA, est un scandale financier et politique, un détournement de fonds public sans précédent, et son chèque en blanc risque de manquer de provisions au folio du ministre Séguin. À moins que Jean Charest n’apprenne à M. Pellerin à reculer! Les agriculteurs Si encore les agriculteurs étaient gagnants. Mais ils sont les dindons de la farce. Ils vont être désormais forcés par l’UPA à passer par l’abattoir unique, moyennant des prélevés importants sur chaque vache, pour un prix plancher de 42 cents la livre qui risque fort de se changer en prix plafond avec le retour éventuel à la normale. Entretemps, comme le marché avec les frères Cola n’est pas finalisé, ils n’ont pas encore vu la couleur du plancher. Jusqu’à maintenant, l’opération n’a servi qu’à les faire rentrer chez eux. Les seuls à refuser de se taire sont les frondeurs du Saguenay, mais avant qu’ils n’osent couper le cordon avec leur mère indigne, ils seront tous en faillite. L’occasion manquée Mais il y a pire. S’il y avait une leçon à tirer de la crise de la vache folle, c’était le danger de dépendre des Américains et l’urgence de reprendre le contrôle de notre marché intérieur et local. Les trois quarts du bœuf canadien s’en vont aux États-Unis, y compris nos vaches de réforme du Québec, transformées en hamburger, et la quasi-totalité du bœuf vendu dans nos épiceries vient de l’extérieur du Québec et même du Canada. C’est d’ailleurs ce qui explique que le prix du bœuf en magasin n’ait pas baissé durant la crise : on a fermé la porte de sortie mais non la porte d’entrée. La crise de la vache folle était une occasion en or pour réorienter la production et la mise en marché du bœuf, ou plutôt pour en repenser le marketing. Tout le monde répète que le Québec est prêt pour une mise en marché personnalisée. Des producteurs comme ceux de Natur-bœuf, dans la Bas-Saint-Laurent, ou Mario Pilon, de Saint-Charles de-Drummond, et bien d’autres un peu partout ont compris qu’il fallait se tourner vers la mise en marché locale . Au lieu d’orienter les investissements publics vers la reconstruction de notre réseau d’abattage et de commercialisation des viandes, qu’on s’acharne à détruire (voir notre reportage en pages 8 et 9), les P. D.G. Pellerin et Dessureault n’ont rien trouvé de mieux que de mettre la main sur un monopole de plus et d’enfermer les producteurs dans un autre canal unique de vente qui devra quêter le gouvernement à tout moment pour payer la marchandise au prix garanti. Ça ressemble drôlement au dossier du sirop d’érable, vous ne trouvez pas? On dirait que les économistes de l’UPA ont raté leur premier cours d’économie, où on explique que le prix d’un produit s’établit à la croisée des courbes de l’offre et de la demande… L’Union paysanne Et si les agriculteurs-paysans de l’Union paysanne, comme en témoigne ce journal, avaient raison de remettre en question la gestion actuelle de la mise en marché collective et de préconiser une réorientation de notre agriculture et de nos politiques agricoles vers la souveraineté alimentaire et la mise en marché locale? Et si les agriculteurs mécontents de la politique actuelle se ralliaient à ce mouvement au lieu d’attendre d’être engloutis? Il n’y a pas d’autre façon de contourner les grandes chaînes d’abattoirs et de supermarchés qui vont finir par nous faire tous disparaître.

 

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