‘’La poubelle province ‘’



par Clémence Cireau

Les agriculteurs sont attendus par toute une société pour donner un coup de pouce dans la gestion des déchets au Québec! Le gouvernement développe actuellement un nouveau plan de gestion des déchets au Québec. Il devrait être présenté en 2013. Coup d’œil sur les enjeux avec Denis Blaquière, réalisateur du film « La poubelle province ».

L.V.A. : Quels sont selon vous les principaux problèmes au niveau de la gestion des déchets au Québec?

« Le plus gros problème, c’est le manque de volonté politique de donner un sérieux coup de pouce pour une gestion beaucoup plus écologique de nos matières résiduelles. On s’aperçoit que le gouvernement, si on regarde un peu l’historique, depuis, disons 1998, a toujours eu des politiques très ambitieuses, mais il n’y a jamais eu d’argent sur la table pour les réaliser. Et le gouvernement favorisait toujours une approche volontaire. La politique de 1998 à 2008 s’est donc soldée par un échec assez retentissant. À peu près tous les objectifs fixés n’ont pas été atteints. Et on se demande qui est imputable. Personne n’a subi de conséquences. L’autre problème c’est un problème structurel qui est au cœur de la gestion des matières résiduelles au Québec. Longtemps la province du Québec a été l’endroit ou l’industrie privée avait la plus haute main mise sur la gestion des matières résiduelles. Le gouvernement a permis, sans trop s’en apercevoir, ou en fermant les yeux, la création de cinq mégas dépotoirs. Ce qui fait que le Québec depuis 15 ans est en surabondance de capacité d’enfouissement. Donc les prix à l’enfouissement restent bas, ce qui nuit beaucoup au développement dans notre industrie du recyclage. Quand on enterre à 35 dollars la tonne et que ça coûte 100 dollars la tonne pour récupérer et recycler, il ne faut pas être très malin pour savoir que jamais l’industrie de la récupération ne va prendre le dessus. »

‘’Quand on enterre à 35 dollars la tonne et que ça coûte 100 dollars la tonne pour récupérer et recycler, il ne faut pas être très malin pour savoir que jamais l’industrie de la récupération ne va prendre le dessus. »

L.V.A. : Et le gouvernement est en train d’élaborer une nouvelle politique ?*

« Oui, le gouvernement a mis 650 millions de dollars sur la table pour promouvoir des projets de biométhanisation ou de compostage. Quand tu fais des biométhanisateurs, ce qui est très intéressant c’est qu’on peut vendre le méthane qui est dégagé lors du processus. Mais qu’est-ce qui va arriver avec ce qui reste dans les biométhanisateurs, une espèce de granulat qui est un fertilisant de très grande qualité? Il ne faut pas que ce granulat soit considéré dans un déchet et soit enfoui. Si on veut du bon recyclage, il faut que la matière reste le plus longtemps possible dans la grande roue de la production. Il faut que ce granulat serve à faire pousser d’autres aliments, pour avoir la boucle parfaite.

Mais est-ce que les fermiers vont accepter d’utiliser ce fertilisant qui est fait avec nos restants de table? Souvent les villes qui vont construire des biométhanisateurs vont les utiliser pour traiter les boues de leurs usines d’épuration, et donc aussi les excréments humains. Ça donne un très bon granulat, mais il y a un très gros blocage psychologique chez les agriculteurs au Québec, à travers la peur des bactéries. Alors que l’on sait très bien qu’une fois en granulats, il n’y a plus de rien de bactérien qui peut être nocif. Ce serait plutôt les vieilles peintures usées jetées dans les toilettes qui posent problème, que les excréments humains. Comment va-t-on gérer 400 000 tonnes de compost? Le gouvernement va-t-il établir une régie du compost du Québec ? Il va falloir tout standardiser. »

L.V.A. : Quels conseils donneriez-vous aux agriculteurs qui se sentent concernés?

« Le principal conseil que je donne aux agriculteurs et à tous les gens qui restent dans les campagnes, c’est de composter leurs propres déchets domestiques. On ne peut pas dire qu’ils manquent de place.
C’est plus un vœu, mais à partir du moment où le Québec va se mettre à produire beaucoup de compostage, j’espère que le milieu rural va embarquer et va vraiment aller chercher ce compost pour utiliser le moins possible de fertilisants synthétiques. Si le compost se retrouve dans les sites d’enfouissement, on aura investi 650 millions pour rien. »

*Cette entrevue a été réalisée juste avant les dernières élections survenues au Québec

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