Ce n’est pas la première fois que la gestion de l’offre en agriculture est remise en question. En 1991 je faisais partie de la délégation canadienne à Genève pour défendre notre modèle agricole aux accords du GATT. Un bref rappel pour mentionner que le Canada au début des années 1970 éta-blissait la gestion de l’offre dans les productions de lait, de volailles et des œufs.
Ce modèle était fondé sur trois piliers majeurs : gérer la production, contrôler l’importation et garantir les prix couvrants les coûts de production. Cette mesure était équitable puisqu’elle garantissait au consommateur un produit de qualité, elle assurait une stabilité aux entreprises de transformation et n’avait pas besoin de deniers du trésor public tout en assurant une production locale. L’importance de ce secteur n’est plus à démontrer car au Québec on parle de 7.000 fermes familiales, de plus de 80.000 emplois directs et indirects et ce qui n’est pas négligeable, plus 5,5 milliards de contribution au produit intérieur brut.
Tout système a ses lacunes !
Cela dit, il faut savoir que tout système a ses lacunes. Le coût des quotas et des fermes a augmenté de façon vertigineuse. L’agriculteur dans les productions dites contingentées est endetté toute sa vie pour espérer devenir millionnaire à sa retraite. Mais 1 million ça veut dire quoi en 2015 et ça dure combien de temps à l’âge de la retraite ? Un million gagné durement à travailler 7 jours/semaine et à sacrifier vie familiale et vie sociale. C’est pas parce que le cheval a pris le mord aux dents qu’il n’est plus un excellent trotteur et qu’il faille l’envoyer à l’abattoir. Il faudra plutôt trouver moyen d’aménager et de contrôler le système pour répondre plus adéquatement aux exigences de la mondialisation et des ententes de libre-échange tout en protégeant les trois piliers de fondation.
Ceux qui dénigrent la gestion de l’offre, le font souvent en fonction des consommateurs qui paient plus chers leurs produits. Il faudrait vraiment être d’une naïveté crasse pour croire que les pays qui critiquent notre façon de faire sont exemplaires. Croyez-vous vraiment que les États-Unis n’interviennent pas en agriculture par subvention ou autre méthode de compensation. L’exemple du bois d’œuvre fut assez révélateur à ce sujet. Les adeptes de la libre concurrence ne croient absolument pas à la souveraineté alimentaire d’un pays digne de ce nom.
L’abolition de la gestion de l’offre coûterait très cher à l’état du Québec et du Canada. Le prix du quota est beaucoup plus dispendieux que la terre elle-même. On évalue sommairement à plus de 30 milliards d’huards pour le rachat des quotas. Qui devra payer pour ce changement drastique de cette pratique? L’État, c’est certain, n’en a pas les moyens et surtout pas en ce temps de compressions budgétaires. Peut-être faudra-t-il envisager une taxe spéciale à long terme pour les consommateurs que nous sommes. Malheureusement on a trop bien connu ça avec la taxe olympique pour avoir un équipement dont on cherche à se débarrasser ou à remplacer en se ré-endettant à nouveau. Qui aurait à gagner à ce remue-ménage? On aura beau faire des ententes avec d’autres pays de la planète, il n’en demeure pas moins que la très grande majorité de nos échanges commerciaux se déroule en sol américain. La gestion de l’offre c’est l’équilibre entre l’offre et la demande sans négliger de la part de nos agriculteurs la qualité de la génétique de nos troupeaux. Une simple comparaison des résultats du porc et du bœuf durant toutes ces années nous incitent à plaider en faveur d’une stabilité de production et d’innovation.
Comme il n’existe pas de système parfait, il vaut mieux composer avec un système qui a fait ses preuves et faire confiance aux hommes de bonne volonté pour l’améliorer et le parfaire. La plus grande prudence s’impose à nos gouvernants et nos décideurs. Un peuple incapable de se nourrir n’a pas grand avenir.