Le vrai pouvoir est ailleurs qu’en politique !

On a beaucoup parlé, ces derniers mois, et cela, surtout en Europe, des différentes entreprises pour établir le libre-échange entre l’Union européenne et l’Amérique du Nord (AECG et TAFTA). On en a beaucoup parlé, mais on en a beaucoup parlé dans le vide, bien franchement. Bien des secteurs de la société ont exprimé de très sérieuses réserves, d’autant qu’on ne savait pas trop ce qui était au cœur des négociations.

Le discours habituel s’est fait entendre: la mondialisation va dans le sens de l’histoire, le libre-échange aussi, et l’augmentation des échanges entre les peuples crée les conditions d’une prospérité généralisée.  C’est la doxa des années 1990 et c’est encore celle des élites financières et médiatiques. Peu à peu, en abolissant les frontières, l’humanité s’unifierait. N’est-ce pas son plus vieux rêve, son plus grand rêve, le plus noble, le plus beau?

Ce mondialisme décomplexé engendre aujourd’hui un vrai scepticisme. Car on constate qu’en abolissant les frontières, on altère aussi les cultures et les identités. Les peuples perdent ainsi leurs repères, leurs traditions s’effritent. La mémoire elle-même se décompose peu à peu. À la diversité des cultures se substitue une culture globale, mondialisée, portée par le «citoyen du monde», qui veut se sentir chez lui dans chaque pays sans avoir à s’y adapter.

Surtout, ce traité négocié dans des conditions presque secrètes révèle bien le caractère de plus en plus artificiel de la démocratie contemporaine. La souveraineté nationale est de plus en plus vidée de son contenu. On balise de manière toujours plus étroite son domaine. On voudrait la réserver à la gestion des choses courantes. Les grands choix de société, eux, ne relèvent plus vraiment des assemblées élues. Le pouvoir des États est condamné à fondre.

Nous assistons à une révolution qui ne dit pas son nom. On continue de jouer à la comédie démocratique, ses représentations sont maintenues, les partis feignent encore de se diviser. D’une élection à l’autre, d’ailleurs, ils doivent en rajouter dans leurs stratégies de communication pour exciter la population avec les quelques détails programmatiques qui les distinguent encore. Car si on y regarde de plus près, ils s’entendent sur l’essentiel.

Le vrai pouvoir, aujourd’hui, est ailleurs. Dans le système financier, qui tient souvent à la gorge les gouvernements. Dans le système médiatique, qui décide quels propos sont respectables, et quels sont ceux qu’on doit associer à l’extrémisme. Dans le gouvernement des juges, qui se croit plus éclairé que celui des élus. Dans la logique du droit international, qui démantèle le pouvoir des États en aliénant toujours plus leur souveraineté.

On note d’ailleurs une tension croissante entre les élites et les classes populaires. Si les premières s’enthousiasment pour la mondialisation sous toutes ses formes et cherchent à y arrimer leurs pays, les secondes craignent de moins en moins d’avouer leurs doutes. Se pourrait-il que l’histoire telle qu’elle est pilotée actuellement ne soit pas orientée dans le bon sens? Se pourrait-il aussi que le malaise envers le libre-échange Europe-Amérique  du Nord se comprenne à cette lumière?

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