Les juges feront-ils le travail que les politiciens refusent de faire ?

Peu d’agriculteurs québécois connaissent Gérard Comeau… pour l’instant. Mais puisque tout le système de commerce interprovincial canadien pourrait être chamboulé à cause de lui, vous risquez d’entendre son nom à plus d’une reprise dans l’avenir.

Comme des centaines de résidents de son village de Tracadie dans la péninsule acadienne, M. Comeau s’était rendu au Québec en octobre 2012 pour acheter de la bière bon marché. Pourquoi payer 42,45 $ pour une caisse de 24 de Molson Canadian quand on peut simplement traverser le pont Van Horne et aller à Pointe-à-la-Croix en Gaspésie pour la payer 24,99 $ ? Mais en revenant chez lui, M. Comeau s’est fait coller un billet d’infraction de 240 $ pour avoir enfreint la Loi sur la réglementation des alcools. Cette loi empêche l’importation d’alcool, au-delà d’une quantité restreinte, dans la province du Nouveau-Brunswick. M. Comeau a contesté son constat d’infraction à la Cour provinciale, et il a gagné.

Ce qui fait de cet arrêt une cause célèbre, c’est que M. Comeau a invoqué l’article 121 de la Constitution canadienne pour faire déclarer cette loi inconstitutionnelle. Selon cet article : All Articles of the Growth, Produce, or Manufacture of any one of the Provinces shall, from and after the Union, be admitted free into each of the other Province (traduction : Tous les articles du crû, de la provenance ou manufacture d’aucune des provinces seront, à dater de l’union, admis en franchise dans chacune des autres provinces).

Cet article, qui prescrit le libre-échange entre les provinces, a traditionnellement été interprété à la lumière du jugement de la Cour suprême de 1921 dans l’affaire Gold Seal. Cette interprétation a limité l’application de l’article 121 à l’interdiction de mettre en place des « droits de douane » entre les provinces. Depuis le jugement Gold Seal, les gouvernements provinciaux ont donc pu mettre en place une multitude de mesures restreignant le commerce interprovincial, incluant notamment les agences de mise en marché du blé, des œufs, du lait, de la volaille et les monopoles provinciaux sur l’alcool.  

Mais le juge Ronald LeBlanc a décidé, pour les différentes raisons énoncées dans son jugement de 86 pages, que la Cour suprême du Canada s’était trompée dans son interprétation et qu’il n’était pas lié par ce mauvais jugement. Selon le juge, l’article 121 n’empêche pas seulement les restrictions tarifaires au commerce interprovincial, mais bien toute restriction à ces échanges du commerce interprovincial. Compte tenu de son impact potentiel, inutile, de dire que le jugement sera porté en appel jusqu’à la Cour suprême.

Mon parti souhaite le libre-échange entre les provinces canadiennes. Une participation économique plus active du Québec à l’intérieur de la Fédération libérerait nos forces économiques et sociales, ce qui améliorerait le bien-être des Québécois et de tous nos concitoyens canadiens, comme l’ont fait les traités de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique. Les politiciens actuels n’ont pas le courage d’affronter les groupes d’intérêt protégeant le statu quo. J’espère que les juges de la Cour suprême feront le travail à leur place.

Adrien Pouliot est président du Parti conservateur du Québec

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