par Yan Turmine
L’institut économique de Montréal publié début septembre une étude de Mario Dumais intitulé « les conséquences négatives des offices de commercialisation ». Ce document qui tient plus d’un pamphlet (définition du Robert : court écrit satirique, qui attaque avec violence le gouvernement, les institutions, la religion, un personnage connu) met en pièce la gestion de l’offre à l’aide d’une analyse économique douteuse.
Pour un néophyte du monde agricole suite à la lecture de ce document, les offices de commercialisation et le système de quota n’ont pratiquement servi à rien et empêchent le secteur de l’agroalimentaire de se développer. Pour ceux qui connaissent le milieu agricole, certaines affirmations de ce document nous laissent très perplexes. Saviez-vous que si les revenus d’une famille agricole sont plus élevés, c’est en raison des revenus hors ferme qui représentent 77% de leurs revenus totaux et non grâce aux offices de commercialisation. Pourtant, regardez autour de vous, connaissez-vous beaucoup de fermes sous gestion de l’offre dont 77% du revenu familial ne provient pas de la ferme. Moi je n’en connais pas. Alors comment monsieur Dumais, économiste, arrive à une telle conclusion. Premièrement il utilise la banque de données de statique canada CANSIM 002-024 (Revenu hors ferme total et moyen selon la source et bénéfice net d'exploitation total et moyen des familles agricoles, secteur non constitué en société). Cette banque de données ne concerne que les fermes non incorporées. Il aurait cependant pu utiliser la banque de données CANSIM 002-034 qui englobe les fermes incorporées et donne un meilleur portrait puisque beaucoup de fermes aujourd’hui sont incorporées. De plus aucune de ces banques de données ne distingue si le revenu des fermes provient d’une production gérée ou non par un office de commercialisation. Alors comment peut-on conclure à une quelconque influence des offices de commercialisation sur la provenance des revenus d’une famille agricole !
Autre affirmation fracassante de ce rapport « si selon cet exemple les producteurs de lait québécois avaient obtenu le même prix que les producteurs du Nord-Est américain en l’absence d’un système de gestion de l’offre, ils n’auraient pas eu non plus à assumer le coût des quotas et auraient touché de meilleurs revenus ». Sauf que les revenus qui servent à assumer les couts de remplacement des quotas selon le calcul de Monsieur Dumais, économiste, représentent une capitalisation qui reste sur la ferme ou procurent un rendement sur du quota acquis dans le passé à un cout moindre que la valeur actuelle de remplacement.
De plus notre économiste semble passer sous silence un grand principe de l’économie capitaliste : Le cout de l’achalandage. Lorsque que vous avez une entreprise qui fait de l’argent, cette entreprise prend de la valeur sous forme de goodwill (achalandage). Si votre profitabilité est assurée par un droit quelconque donné par le législateur, tels une réglementation, un brevet, un contrat exclusif, votre achalandage prend encore plus de valeur si cela vous permet de stabiliser de bons revenus à long terme. Beaucoup de secteurs économiques sont profitables et prospères grâce à une réglementation qui restreint l’entrée de nouveaux joueurs ou produits. Les systèmes de gestion de l’offre ont cependant le mérite de favoriser de petites et moyennes entreprises. Regardons ce qui se passe actuellement dans le secteur des grains (qui n’est pas sous un office de commercialisation). Avec une augmentation des prix des grains, on assiste à une augmentation importante des prix des terres. Selon la logique de monsieur Dumais, on devrait dire que le producteur de céréales n’as pas vu son revenu augmenter parce que l’on devrait tenir compte de l’augmentation de la valeur de ses terres.
Ce document s’applique à défaire le système de gestion de l’offre non pas par une réelle analyse économique, mais par une série d’analyses à la logique douteuse, d’exemples mal documentés sortis de leur contexte. À se demander pourquoi Mario Dumais; économiste, personnage éminent connu en agriculture, ancien secrétaire général de la coopérative fédérée du Québec et commissaire de la commission Pronovost; a produit un tel document pour l’institut économique de Montréal. Il est vrai que la devise de cet institut est : DES IDÉES POUR ENRICHIR LE QUÉBEC.