Yan Turmine
À la veille (cela fait plusieurs années que l’on est à la veille) de l’annonce d’une nouvelle politique alimentaire par notre nouveau ministre de l’agriculture, la souveraineté ou l’autosuffisance alimentaire semble être au centre de cette nouvelle politique. C’est du moins ce que souhaitent, avec raison, plusieurs groupes.
L’agroalimentaire occupe une part assez importante dans l’économie de tous les pays, tout simplement parce que chaque habitant doit manger tous les jours. Pour plusieurs pays, la sécurité alimentaire, c'est-à-dire nourrir son peuple, est tout un défi. Il limite d’ailleurs le développement de plusieurs pays. Difficile de faire du développement économique quand votre peuple crève de faim ou que l’importation d’aliments monopolise une grande partie de vos ressources monétaires. L’accès à une alimentation adéquate fait d’ailleurs partie de la Déclaration universelle des droits de l’homme des nations unies.
Au Québec, On est chanceux car l’étape de la sécurité alimentaire est acquise depuis longtemps. L’agroalimentaire est même devenu un important outil de développement.
Ce secteur fait travailler aux alentours d’un demi-million de personnes, dont près de 120.000 au niveau de la production et de la transformation. La valeur des livraisons des produits alimentaires au Québec est de plus de 23 milliards par année. Ce secteur investi massivement année après année des milliards de dollars, en 2009 ces investissements s’élevaient aux alentours de 2.2 milliards.
Malgré ce succès et son importance, le secteur agricole peine à assurer l’autosuffisance alimentaire du Québec. Cette autosuffisance se situerait entre 30 et 50 % selon la méthode de calcul utilisé. Pourtant cette autosuffisance était à 77 % en 1985. L’atteinte de l’autosuffisance que l’on avait en 1985 représenterait une injection d’au moins 3 milliards de dollars dans l’économie du Québec annuellement, soit l’équivalent du tiers des revenus globaux annuel d’hydro Québec.
Ce faible taux d’autosuffisance alimentaire, résultat d’un manque de volonté de se doter d’une réelle politique agricole, a des effets pervers. En premier lieu, elle menace notre sécurité alimentaire. Non pas dans sa dimension de l’accessibilité des aliments car l’on continuera à manger trois repas par jours. Mais dans sa dimension production et sa dimension de qualité. L’importation massive d’aliments au détriment des mêmes aliments produits ici a pour conséquence, à un certain moment, de faire disparaitre des infrastructures indispensables à la production et nous amène à une dépendance totale des importations. De plus, notre société c’est dotée de règle qui régisse la salubrité de nos aliments produits ici. Ces règles sont difficilement voir impossible à appliquer aux aliments importés. On cède alors une partie de notre souveraineté au pays d’où proviennent nos importations. Ce sont eux qui décident quels pesticides ou quels niveaux de médicament seront utilisés dans les aliments consommés ici.
La plupart du temps la dégradation de notre niveau d’autosuffisance est plus le fruit d’intérêt commercial et de spéculation que de la volonté de consommer des produits exotiques. Les efforts volontaires de la grande distribution à favoriser l’autosuffisance des produits alimentaires n’a eu que pour résultats une baisse de celle-ci. Une vraie politique de souveraineté alimentaire devra être contraignante, pourquoi ne pas introduire une taxe pour l’autosuffisance alimentaire. À partir d’un certain niveau, à être défini par le gouvernement, sur l’ensemble de ces produits vendus, un distributeur pourrait se voir imposer une taxe pour l’autosuffisance alimentaire. Cela rendrait les distributeurs assez proactifs à trouver des solutions à maintenir une proportion de produits québécois dans notre panier d’épicerie tout en continuant à vendre des oranges en hiver. Mettre en place de telles mesures demande une volonté au plus haut niveau de l’appareil politique. On parle bien de taxe sur le carbone. Mettre en place une taxe sur l’autosuffisance alimentaire serait techniquement beaucoup moins compliqué et les retombées économiques beaucoup plus évidentes.