Dans la navigation, le capitaine du navire doit prendre les décisions maintenant mais en ayant toujours un œil sur l’horizon et même au-delà. Il doit toujours savoir quel cap il veut atteindre et ne jamais le perdre de vue. Plus facile à dire qu’à faire parce qu’il faut toujours savoir où l’on veut aller et comment on s’y prendra pour y aller.
Comme il est difficile de prévoir l’avenir, le gouvernement du Québec a bien voulu aider le producteur propriétaire d’une ferme familiale indépendante contre les fluctuations de la température et des prix. Ainsi, le gouvernement du Québec acceptait de participer ou plutôt de contribuer au paiement de l’assurance-récolte individuelle ou collective contre les risques de dommages dus aux variations de températures prévues dans la loi sur l’assurance récolte. De la même façon, le gouvernement du Québec a aussi accepté de participer à l’assurance-stabilisation des revenus des agriculteurs propriétaires d’une ferme familiale indépendante parce que les risques sont élevés pour un agriculteur qui ne peut pas facilement prédire les prix du marché au moment où il prend la décision de semer ou d’élever un animal. Ce raisonnement est acceptable pour le gouvernement du Québec quand il s’agit du propriétaire d’une ferme familiale indépendante mais ce n’est pas vrai quand il s’agit d’un intégrateur ou d’une coopérative qui fait de l’intégration, car c’est à l’intégrateur, privé ou coopératif, qui est souvent aussi un commerçant de céréales de prévoir les prix du marché d’autant plus que cet intégrateur commerçant de céréales est souvent aussi un commerçant importateur de céréales. Et ensuite on entend souvent ces intégrateurs privés ou coopératifs parler de l’entreprise privée et de ses beautés, la larme à l’œil, alors qu’ils veulent plutôt se faire entretenir par le gouvernement et faire assurer par le gouvernement les risques normalement assumés par l’entreprise privée. L’entreprise intégrée privée ou coopérative a réussi à siphonner et accaparer pour elle-même les fonds publics qui avaient été mis à la disposition des fermes familiales indépendantes, c’est-à-dire qui prenaient elles-mêmes les décisions et assumaient elles-mêmes les risques.
Dans les différents secteurs de l’économie, l’entreprise privée et l’entreprise coopérative ont de plus en plus depuis plusieurs années pris l’habitude de trouver naturel de faire prendre leurs risques par le gouvernement et ensuite de payer des rémunérations exorbitantes à leurs dirigeants pour leur dynamisme, c’est-à-dire, pour avoir réussi à transférer les risques de l’entreprise privée au gouvernement. Rappelons-nous ce qui s’est passé aux États-Unis en 2008 et au cours des années suivantes. Quand la crise économique de 2008 a vu les banques en difficulté, elles ont demandé au gouvernement de leur venir en aide. Et quand le Président Obama leur a fait des prêts à faible taux d’intérêt, les dirigeants et membres des conseils d’administration des banques en ont profité pour se faire voter des rémunérations exorbitantes pour leur prétendue efficacité alors que c’est le gouvernement des États-Unis et le Président Obama qui les avaient sauvées de la faillite.
Il va falloir se poser les bonnes questions et savoir dans quelle société on veut vivre. Ce n’est plus clair et ce n’est plus évident. Les syndicats, les coopératives et l’entreprise privées ont un rôle à jouer de même que le gouvernement avec les fonds publics, mais il va falloir que notre société se pose les bonnes questions parce que les contribuables en ont assez de payer et que de plus en plus, ils vont vouloir que le rôle de chacun soit mieux défini et précisé. Dans l’agriculture, il va falloir qu’on définisse ce que l’on entend par “ferme familiale autonome”, par “ferme intégrée”, par “syndicat”, par “coopérative” et par “intégrateur” et le rôle que chacun doit jouer. Et le gouvernement va demander aux citoyens quand il doit payer ou aider parce qu’avant longtemps ce sont les citoyens qui vont le lui demander et peut-être même l’exiger.
Pour rejoindre Jean Garon: jeanrgaron@videotron.ca