Veaux de lait : le modèle d’affaires pose problème



par Jean-Pierre Lemieux

Les problèmes que vivent aujourd’hui beaucoup de producteurs de veaux de lait viennent du modèle d’affaires développé par des intégrateurs avec l’aide de l’Union des producteurs agricoles (UPA) et de la Financière agricole du Québec (FAQ). Celui qui parle ainsi est un éleveur indépendant, M. André Lussier. « Nos problèmes ont commencé quand les intégrateurs ont commencé à se concentrer. Quand les intégrateurs ont commencé à avoir des abattoirs, à contrôler la mise en marché des veaux, c’est là que les problèmes sont arrivés ».

La Vie agricole a rencontré deux producteurs de veaux de lait indépendants, André Lussier et Patrick Saint-Onge, et un ex-producteur, Jean Côté, qui dit avoir été ruiné par un tel système.

Les intégrateurs ne sont pas les seuls à blâmer, l’UPA et la FAQ sont coupables aussi affirment-ils. « Quand tu veux t’établir dans le veau de lait pour avoir droit au financement la Financière Agricole nous dit : vas te chercher un contrat d’intégration ».

La Financière Agricole : un contrat pour sécuriser ?

Il faut dire que partir un tel élevage cela implique des montants considérables et que le risque est élevé. Cela prend donc des garanties, un encadrement. « Élever un veau coûte entre 800$ et 900$, donc ça prend des marges de crédit de 150 000$ à 200 000$ ». C’est un risque élevé mais avec un contrat cela le rend plus acceptable.

Aujourd’hui il n’y a plus que 7 ou 8 indépendants : « Mais on est plus ou moins indépendant », corrige M. Lussier, « on ne peut même pas faire notre mise en marché nous- mêmes ». Selon M. Lussier, les deux intégrateurs au Québec font 90 % de la production. L’intégration « verticale » va plus loin : “Non seulement ils ont leur propre abattoir mais ils sont aussi propriétaires des usines qui fabriquent les aliments d’allaitement. “

« Quand j’ai commencé avec 8 sacs de 25 kilos à, en moyenne 38$, on sortait un poids carcasse la même chose qu’aujourd’hui mais maintenant ça prend 11 sacs  qui coûtent jusqu’à 70$». Selon M. Lussier la qualité des aliments d’allaitement a beaucoup diminué.

L’UPA blâmée aussi !

Les producteurs rencontrés blâment les intégrateurs mais aussi l’UPA. Les deux intégrateurs dont parle les producteurs rencontrées sont Écolait et Délimax, deux entreprises de Saint-Hyacinthe. M. Lussier fait remarquer que les deux intégrateurs sont dans le comité de mise en marché du veau de lait. Ils sont aussi dans le sous-comité « coût de production ».

M. Patrick St-Onge est membre du comité de mise en marché. « Sur 16 producteurs il y en a 14 qui sont des éleveurs intégrés, nous sommes seulement deux indépendants ».

Intégration totale

C’est l’intégrateur qui apporte le veau, les aliments, les médicaments, et fournit les soins vétérinaires. C’est aussi l’intégrateur qui rachète le veau avant de le mener à l’abattoir (avec ses propres camions) en déterminant les prix de tout durant tout le processus et tout cela encadré par un contrat.

Les trois producteurs dénoncent depuis longtemps les effets de cette intégration verticale et rappelle que la Sûreté du Québec a corroboré, en 2010, leur dénonciation d’un système de ristournes cachées pour retirer davantage de l’Assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA). Aucun procureur n’a repris le dossier de la SQ. M. Lussier a précisé que ce système n’existe toutefois plus aujourd’hui.

Des prix de misère en fin de production

Quant à l’effet d’un tel système sur les prix, M. Lussier se pose des questions. Selon lui, au détail, la bête « vaudrait entre 2 000$ et 2 500$ mais au sortir de la ferme on a de la misère à en avoir 800$ ou 900$ ».

M. Lussier fait la comparaison entre le veau et le poulet. Il constate qu’à l’épicerie le veau est une des viandes qui se vend le plus cher. Malgré ça les éleveurs “grèvent de faim“ comparés aux producteurs de poulets, une des viandes à bas prix, dont les éleveurs s’en tirent pourtant beaucoup mieux.

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