Libre échange: c’est le temps de poser les vraies questions

par Yan Turmine
Steve Kay, rédacteur et éditeur de Cattle Buyers Weekly a fait de surprenants constats lors du colloque de la Société des parcs d’engraissement du Québec (SEPQ), qui se tenait à Drummondville le 26 novembre dernier. Monsieur Kay ne voyait pas l’ouverture du marché européen pour le bœuf canadien dans le cadre de l’accord de libre-échange signé entre le Canada et la Communauté économique européenne (CEE) comme une réelle opportunité pour l’industrie du bœuf au Canada.
Le colloque organisé par la société des parcs d’engraissement du Québec, a permis aux personnes présentes d’écouter trois conférenciers qui ont su captiver l’assistance en nous amenant des éléments de réflexion sur l’actualité agricole.
Monsieur Kay nous a présenté toute une série de statistiques qui démontrait que la production nord-américaine de bœuf est en régression et que la demande de viande bœuf reprend de la vigueur. Une situation qui est favorable au producteur et qui risque de soutenir les prix pour un certain temps. Cette vigueur dans la demande est en partie du à l’engouement du consommateur américain pour de la viande de qualité, notamment grâce a l’apparition de chaines qui offrent à leurs clients des hamburgers de luxe. Cette nouvelle tendance met de la pression sur les prix de morceaux du bœuf qui étaient auparavant moins bien revalorisés. Pour nos voisins du sud, c’est une évolution voir une révolution dans le développement du goût des consommateurs et dans leur recherche d’aliments plus sophistiqués.
Selon monsieur Kay le marché américain offre de spectaculaires opportunités pour le bœuf canadien, une fois les problèmes du COOL act (country-of-origin labeling) réglés. Selon lui le gouvernement américain reculera sur le cool compte tenu des pressions que cette loi met sur les autres secteurs industriels. Le dépôt par le canada d’une liste de plus de 1 milliard de dollars en pénalité sur les produits américains vers le canada en représailles au COOL et l’insatisfaction d’un nombre de plus en plus grand de politiciens américains sur les effets négatifs du COOL act risque d’avoir raison des lobbys agricoles américains qui soutiennent le COOL act. Compte tenu de l’intégration historique de la production et de la transformation de l’industrie du bœuf au Canada avec celle des États-Unis, le marché américain est très facile d’accès pour le bœuf canadien.
L’accès promis des 65.000 tonnes de bœuf sans tarifs négociés dans l’entente entre le Canada et l’Union européenne n’est pas garanti. De multiples contraintes non tarifaires restent, et celles-ci sont de tailles. Des expériences d’exportations vers l’Union européenne se sont soldées par des échecs dans le passé, non pas à causes des tarifs, mais plutôt à cause des conditions non tarifaires, conditions qui existent encore. Pour monsieur Kay, il n’y a peu d’opportunité pour le bœuf canadien dans cet accord. Il y va de même pour les producteurs américains dans l’accord qui se négocie présentement entre les États-Unis et l’Europe. Selon lui ces accords n’ont que pour seul but de mettre fin a une guerre commerciale qui n’en est plus une, une manœuvre politique qui fait l’affaire de tous et qui fait baisser la pression sur d’autres négociations.
L’analyse de monsieur Kay était bien documentée et ne semblait pas surprendre les spécialistes. Ceci voudrait dire que l’on a échangé quelque chose qui n’aura dans les faits aucun impact sur le commerce de bœuf au Canada. Et cela contre l’accès de fromages fins européens en grande quantité sur le marché canadien. Surprenant pour des négociateurs aguerris et informés ! Les enjeux de cet accord ne sont peut-être pas ceux que l’on veut nous faire voir. Il est serait peut-être temps de poser des questions, de vraies questions !

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