par Léo-Jacques Marquis, MBA, Agronome
Les fermes familiales sont fortement endettées au Québec.
Ainsi pour une ferme laitière type, vingt pour cent (20%) du revenu brut sur vente de lait est affecté uniquement au paiement en capital et intérêts de la dette. C’est trop!
Cette entreprise agricole doit en effet appliquer 16.25 $ par hectolitre de lait vendu au remboursement de la dette.
Le constat est implacable : le prix à la ferme d’un hectolitre de lait est de 80.00$. Notre ferme laitière familiale type présente un endettement moyen de 160 $ par hectolitre de lait produit, soit de 1 million $ d’endettement pour une valeur d’actif total de 3 000 000$ fondée sur un quota de lait de 60 kilogrammes-jour de matière grasse. La dette correspond au 1/3 de l’actif!
Le secteur de la production porcine, deuxième en importance après la production laitière au Québec, montre également un fort taux d’endettement. En 2010, les fermes du Québec étaient 6.5% plus endettées que celles de l’Ontario.
Le passif très élevé des fermes d’élevage fait en sorte que le remboursement en capital et intérêts fait partie des exigences financières les plus élevées après le compte « achat d’aliments animaux ».
Pourquoi un tel endettement?
La raison principale est du au changement dans l’organisation du travail.
En quelques années seulement, le travail physique a été supplanté par les machines, ce qui nécessite plus d’investissement en capital.
On savait depuis toujours qu’exploiter une entreprise agricole était très exigeant physiquement. La mécanisation d’aujourd’hui a permis de grandement atténuer le besoin de l’effort manuel. Mais cela a un coût : pour être efficace et concurrentielle, l’entreprise agricole contemporaine demande des investissements en machineries de plus en plus importants. Les fonds requis pour améliorer l’efficacité au rythme nécessaire pour demeurer concurrentiel dépassent ceux générés par les opérations.
Or les propriétaires des fermes sont souvent une personne ou plusieurs personnes, souvent membres d’une même famille. Leur capacité financière personnelle est limitée. Ce qui explique le recours à l’endettement.
Tous ces besoins s’ajoutent aux fonds requis pour acquérir l’entreprise au départ. Le vendeur demande des fonds afin d’assurer sa vie de retraité et ultimement de léguer à ses descendants ses biens selon des critères qu’il considère légitimes et cela sans un favoritisme obligé envers celui ou ceux qui achètent la ferme lorsque ces derniers sont des membres de la famille.
L’endettement va donc en s’accroissant.
Comment freiner une telle évolution? La piste de la réforme fiscale.
L’importance du problème commande plus d’une seule solution. Des organismes intéressés s’impliquent déjà. Le Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec contribue avec une subvention à l’établissement de 50 000$. La Financière agricole du Québec permet des taux d’intérêts très faibles en raison de la garantie de prêt qu’elle consent aux prêteurs. La Fédération des producteurs de lait du Québec contribue, quant à elle, par un prêt de quota. D’autres Fédérations spécialisées de l’UPA offrent quelque chose à leur manière (Fédération des producteurs de volailles, etc).
La Financière agricole du Québec, Le Mouvement des Caisses Desjardins et le Fonds de solidarité FTQ ont constitué en 2010 un fond de 75 000 000 $ pour investir à titre de partenaire de la relève. Le FIRA est la Société constituée pour gérer ce fond.
Il y a lieu de voir, en considérant l’ensemble de ces mesures, que des moyens significatifs sont avancés. Est-ce suffisant? Au cours des dix (10) prochaines années, il est probable que 40% des fermes du Québec seront mises en vente.
Le 27 mars 1979, à l’occasion du discours sur le budget 1979-1980, le ministre des Finances du Québec, Jacques Parizeau, annonçait la création du « Régime d’épargne-action », le REA. C’est une mesure encore très populaire en 2013.
Ne pourrait-on pas utiliser la fiscalité afin d’encourager les agriculteurs qui vendent leur ferme à maintenir leur fonds dans l’industrie agricole du Québec?
Compte tenu de l’apport de l’industrie agricole dans l’économie, la fiscalité pourrait aussi être un moyen pour inciter des contribuables du Québec à revenu élevé à y investir.