L’achat local suscite de plus en plus d’intérêt. Les aliments du Québec ont la cote auprès des consommateurs d’ici. Bien entendu faut-il avoir le choix de distinguer ce qui est réellement d’ici ou d’ailleurs. Pour certain le cout et la complexité d’identifier l’origine des aliments procure pour le consommateur peu d’avantage. Cela semble le cas du bœuf, produit au Québec, transporté aux États -Unis pour y être abattu, et aucune assurance qu’il revient ici. Et puis quelles différences, US, Canadien ou Québécois quand c’est du triple A c’est tout pareil, le consommateur ne semble rien n’y perdre, du moins en apparence.
La réalité est autre. Les règles régissant l’élevage des animaux aux États -Unis et au Canada ne sont pas les mêmes. Entre le Canada et le Québec, il y a aussi des différences. À l’heure où l’Organisation mondiale de la santé lance un cri d’alarme concernant les maladies résistantes aux antibiotiques, la bonne gestion des médicaments dans l’élevage ainsi que le contrôle des résidus de médicaments dans les viandes que nous consommons est plus qu’essentiel. Le mauvais contrôle des résidus de médicament provenant d’une gestion laxiste dans l’utilisation des médicaments en élevage est une des causes de l’augmentation des résistances des microbes à certains traitements antibiotiques. Le Canada et plus particulièrement le Québec se sont dotés depuis longtemps de règles très sévères, très strictes sur la gestion des médicaments en élevage, cela afin d’éviter les résidus dans nos viandes. Mais quand est-il des États –Unis ? D’où proviennent nos bons T-Bones US ?
Afin de voir les différences entre le Québec, le Canada et les États-Unis, prenons les médicaments en vente libre qu’un éleveur peut utiliser dans l’alimentation de ses bovins, c'est-à-dire en les commandant tout simplement à son fournisseur d’aliment ou en les ajoutant chez lui sans contrôle si ce n’est que de respecter les instructions (entre autres les périodes de retrait) qui sont indiquées sur les étiquettes.
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Au Québec, c’est assez simple c’est 0 (zéro). Au Québec toute utilisation de médicament nécessite la visite et la prescription d’un vétérinaire. De plus, pour mélanger un médicament dans une moulée au Québec vous devez avoir un permis qui démontre que votre équipement mélange bien, que cela soit sur la ferme ou dans une meunerie.
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Au Canada le producteur a le choix de 17 médicaments simples et de 6 cocktails de médicaments. De plus seules les meuneries doivent démontrer que leur équipement mélange bien. Le tout sans prescription.
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Aux États-Unis, le producteur a le choix de 23 médicaments et de 23 cocktails de médicament, l’équipement pour mélanger certains médicaments nécessite un permis. Le tout sans prescription.
De plus, 4 médicaments qui sont utilisés sans prescription pour les bovins aux États-Unis ne sont pas autorisés au Canada pour n’importe quelle autre espèce animale. Seulement un médicament est utilisable sans prescription au Canada et n’est pas utilisable aux États -Unis pour toute autre espèce animale.
Cela peut vouloir dire qu’un producteur de bovins des États-Unis (monsieur X) décide d’aller acheter à la meunerie du village une poche d’un médicament qui n’est pas autorisé au Canada, la faire mélanger par son nouvel employé d’origine mexicaine (qui ne parle qu’espagnol). Les bovins de cette ferme iront à un méga-abattoir qui abat aussi du bovin canadien et qui exporte vers le Québec. Et un des morceaux de viande provenant de l’élevage de monsieur X se retrouve sur votre barbecue en ce beau jour de dimanche.
Pourtant comme citoyen Québécois vous vous attendez de consommer une viande qui répond aux normes que nos gouvernements font respecter ici, pas moins. Mais aujourd’hui vous vous apprêtez à manger une viande qui ne correspond pas à nos standards en matière de résidus de médicament.
Au Québec nous nous sommes dotés de règles des plus rigoureuses au monde en matières de résidus de médicament, et cela depuis plusieurs décennies. Ces règles amènent des couts et des efforts supplémentaires pour toute la filière, mais permettent d’approvisionner nos citoyens en premier avec des produits conformes à nos désirs. On appelle cela la souveraineté alimentaire. L’importation sans contrôle et la non-obligation d’étiqueter la provenance sont des pertes de notre souveraineté alimentaire, mais aussi une concurrence déloyale pour l’ensemble de nos filières de production.