La baisse de L’ASRA examinée en Cour

En janvier 2009, les versements de compensation de l'Assurance-Stabilisation du Revenu Agricole (ASRA) ont été réduits de 30%. Les producteurs de porcs ont subi brutalement les conséquences de la baisse, sans préavis ni transition. Certains d’entre-eux ont tout perdu, d’autres ont arrêté leur activité porcine. Plusieurs se sont regroupés pour demander réparation à la Financière Agricole du Québec (FADQ), dans une action en justice commune, dirigée par Me Gérard Samet du bureau d’avocats montréalais Martin, Camirand, Pelletier. Elle revient en Cour dans les prochaines semaines.

Ils n’hésitent pas à accuser la FADQ d’avoir mal appliqué le système, qui devait protéger les producteurs indépendants et assurer l’indépendance alimentaire du Québec. Leur action judiciaire se veut l’illustration d’une certaine dérive.

Plusieurs personnalités en soutien à la ferme familiale

En effet, la Loi sur l’ASRA, lorsqu’elle a été votée en 1975, garantissait à chaque producteur porcin une compensation financière pour la différence entre les coûts de production et le prix de vente lorsque le résultat était négatif. Feu Jean Garon, le prestigieux ancien ministre de l’agriculture, l’avait encore confirmé publiquement lors d’une entrevue accordée le 20 septembre 2013 aux médias de Quebecor : «l’ASRA était faite pour les producteurs indépendants, pour les fermes familiales qui prennent des risques, pas pour les intégrateurs». Dans une autre entrevue accordée en novembre 2014 à La Vie Agricole, Jean Pronovost, qui avait animé la fameuse Commission sur l’avenir de l’Agriculture québécoise (CAAAQ), a reconnu que «les gros producteurs se faisaient attribuer un coût de production qui leur permet de recevoir une différence importante en leur faveur». Le resserrement de l’ASRA n’est-il pas alors la conséquence de la générosité de la distribution des compensations, qui n’ont pas été attribuées aux seuls producteurs indépendants? Le chroniqueur Yan Turmine, en est convaincu, et l’a écrit dans les colonnes de la Vie Agricole en novembre 2012. Le programme de soutien bénéficie aux transformateurs, affirmait-il. Toutes des déclarations que Me Samet ne se prive pas rappeler dans sa poursuite. C’est d’ailleurs ce qu’avait confirmé un rapport destiné à la Commission Pronovost, qui a constaté que près de la moitié des compensations ASRA est distribuée aux grandes entreprises, qui ne représentent que 7% de la production totale.

Pourquoi la baisse brutale des compensations ?

La distribution de cette manne n’est pas sans conséquence pour les fermes familiales. Le coût de production de référence est arbitré par tous les bénéficiaires de l’ASRA, ce qui a abouti à baisser artificiellement le coût de production de référence. C’est la raison de la baisse  brutale des compensations. Selon l’expert agronome Léo-Jacques Marquis, ancien sous-ministre de Jean Garon, et désigné comme expert dans cette cause, « l’article 3 de la Loi sur l’ASRA indique qu’un régime d’assurances stabilisation des revenus agricoles a pour objet de garantir un revenu annuel net positif».

Or, constate-t-il, «il y a eu un décrochage extraordinaire des compensations entre 2008 et 2011, suffisant pour qu’une entreprise porcine, déjà financièrement fragile en 2007, tombe en grave difficulté financière». Selon lui, «il n’est pas raisonnable de croire que l’ensemble de l’industrie ait baissé ses coûts de plus de 30% à l’intérieur d’une seule année».  Il estime en outre, que «la transition aurait dû s’étaler sur trois à cinq ans au minimum». La Loi n’a donc, selon lui et ce que défend l’avocat Samet, pas été respectée.

Peut-on recevoir l’ASRA sans être une ferme familiale ?

La première question qui risque d’être posée à la Cour, est alors de déterminer si le versement de sommes conséquentes du budget de l’ASRA à des entreprises agroalimentaires, qui ne sont pas des fermes familiales, est légal? Les différentes catégories d'adhérents comprennent-elles légalement les transformateurs, les intégrateurs, et les conglomérats qui sont des industriels ou des commerçants? Les demandeurs estiment qu’il est d’intérêt public de faire déclarer par la Cour que le Programme ASRA a admis des adhérents qui ne correspondent pas aux critères légaux. Ils croient que des entreprises industrielles ou multidisciplinaires, comme certains intégrateurs ou transformateurs, ne devraient pas être considérés comme des membres admissibles à l’ASRA. La seconde question prévue par l’avocat est de déterminer si cette large distribution a contribué au déficit du régime, ainsi qu’au resserrement des compensations, au détriment des producteurs indépendants demandeurs. Et finalement le troisième point concernera vraisemblablement les conséquences dommageables du resserrement de 30% des compensations, appliquées sans transition le 1er janvier 2009.

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