L’entente PTP ouvre une brèche dans le système de gestion de l’offre, estime l’UPA. L’accord annoncé représente une perte de 3,25% de l’activité économique pour les producteurs laitiers du Québec. Il entrainera également un recul d’environ 2% pour les autres secteurs régis par la gestion de l’offre. Essentiellement celui des marchés agricoles du lait, de la volaille et des œufs, qui sont protégés depuis 1970. La Vie agricole a parlé aux différents acteurs du système, politiciens, président de syndicats et agriculteurs.
Le PTP s’ajoute au précédent traité avec l’Europe, dans lequel Ottawa avait déjà fait des concessions sur l’importation des fromages. Pour le lait, les importations profiteront d’une augmentation du contingent tarifaire de plus de 8000t par an, jusqu’à atteindre 50 000 tonnes pour les 5 premières années du PTP, puis augmentera de 1% par an.
Pierre Paradis moins que ce qu’on craignait !
Pierre Paradis, le Ministre de l’Agriculture du Québec estime que « les dommages sur la gestion de l’offre sont moindres que les 10% que l’on craignait. L’entente ouvre un marché de 800 millions de consommateurs pour nos produits. Les producteurs de porcs ou de canneberges, qui ne sont pas sous gestion de l’offre, seront avantagés ».
Compromis acceptable pour Jacques Cartier !
« Le système de gestion de l’offre n’a pas été abandonné, comme on le craignait », croit Jacques Cartier, le président du Conseil des Entrepreneurs agricoles du Québec (CEA). « Le compromis est acceptable. Lorsque l’on va à une négociation, on s’attend à ce qu’il y ait des concessions ». Les producteurs qui ne sont pas sous gestion de l’offre auront de nouveaux débouchés, estime-t-il. « Des marchés nouveaux vont apparaître pour le porc et le bœuf à destination du Japon et du Viet Nam ».
La question qui se pose, selon Jacques Cartier, porte sur le calendrier d’introduction des pourcentages des marchés concédés. « Si les compensations de la perte de revenu étaient étalées graduellement sur dix ans, les producteurs sous gestion de l’offre subiraient les effets sous la forme d’une perte de revenu nette ». Par ailleurs, il sera nécessaire d’avoir des précisions sur les types de produits concernés : transformés ou ingrédients ?
C’est un choc dit le producteur Bruno Saint-Pierre
Les commentaires sont bien différents parmi les producteurs directement visés par le PTP.
« C’est un choc ! Un changement de système », croit Bruno Saint-Pierre, un producteur de lait très impliqué dans la défense de la gestion de l’offre. « Les consommateurs devront subventionner les producteurs à même leurs taxes, ce qui n’était pas le cas jusqu’ici ».
Il observe que les producteurs de lait vont perdre 3,25% de la valeur de leurs quotas. « Le PTP forcera les producteurs sous gestion de l’offre à concéder plus de terrain aux produits importés de la zone Asie-Pacifique, notamment l’Australie et la Nouvelle-Zélande, mais aussi les Etats-Unis ». Et leurs prix de revient ainsi que les subventions qu’ils reçoivent sont bien différents du Canada.
Situation désolante pour Stéphane Guay, un autre producteur !
Stéphane Guay, un autre producteur de lait, trouve cette situation désolante. Il croyait encore qu’il serait possible de protéger la gestion de l’offre dans son intégralité. « Il faut essayer d’en minimiser l’impact par plus de législation et de réglementation », dit-il. Il espère que la douane canadienne sera plus attentive aux importations et que la Commission canadienne du lait pourra éviter les abus. Mais il est pessimiste. « Il sera difficile d’éviter l’ouverture complète du marché, maintenant que le traité PTP a un pied dans la porte ».
Harper a sacrifié notre souveraineté alimentaire dit Benoit Girouard !
« Avec la perte de 3,5% du secteur laitier, on peut dire que les producteurs laitiers du Canada vont se faire écrémer », dit Benoit Girouard, président de l’Union paysanne. « On va tenter de faire échec à la mise en œuvre du PTP, parce qu’il représente le début de la fin du système de gestion de l’offre ». Il craint pour l’avenir des fermes indépendantes. « Le gouvernement Harper a sacrifié une partie de notre souveraineté alimentaire. Le PTP, comme tous les autres traités de libre-échange, fait jouer les agriculteurs du globe les uns contre les autres ». Il croit aussi que le gouvernement fédéral appauvri la population canadienne en promettant 4,3 milliards$ de compensations aux fermiers. « Ces subventions n’étaient pas nécessaires en raison de la protection qu’offrait la gestion de l’offre ».
Le fédéral a abandonné les producteurs de lait dit Villeneuve !
Pour le Parti Québécois, il s’agit d’une défaite pour les agriculteurs. André Villeneuve, le député de Berthier et porte-parole du parti Québécois en matière d’agriculture, dénonce les importantes concessions faites par Ottawa sur la gestion de l’offre pour en arriver à adhérer au Partenariat transpacifique. « Une épée de Damoclès est tombée. Les producteurs sous gestion de l’offre sont les grands perdants de cet accord. Le fédéral les a abandonnés. Ils ont constitué une monnaie d’échange ».
André Villeneuve, qui est régulièrement sur le terrain, a senti une grande fébrilité des agriculteurs québécois. « Il faut maintenant décortiquer l’entente et soutenir les agriculteurs. On vient de perdre un pourcentage d’activité au Québec ».
Ouvrir le marché de notre pays nordique, où le prix de production est élevé, aux pays de la zone Asie- Pacifique, est « une menace, une condamnation de nos fermes familiales ». Selon lui, certains États subventionnent leur agriculture à coups de milliards. « Leurs produits sauront profiter de notre marché sous gestion de l’offre, très stable et non subventionné.
Si le Québec indépendant était à la table des négociations, on n’aurait jamais accepté des concessions sur la gestion de l’offre ».
Ces concessions entraineront de nombreuses pertes d’emploi, prédit l’UPA.