Faut-il être “Québécois de souche“ pour acheter des terres ?

Les médias généralistes ont fait état récemment de la présence d’investisseurs d’origine chinoise qui veulent acheter des terres agricoles au Québec afin d’exporter de la luzerne séchée par bateau en Chine. La Vie agricole avait réalisé un dossier sur le sujet en octobre dernier. Est-on au Québec en train de monter une chasse aux sorcières ?

Le Journal de Montréal a publié en janvier dernier que “L’entreprise Mapleville, dont les dirigeants sont Chinois d’origine, a signé des promesses d’achat visant 3300 acres de terres avec quatre agriculteurs du Témiscamingue “. La Terre de chez nous, journal syndical de l’UPA  a, quant à elle, publié aussi en janvier un article intitulé : Intérêts chinois au Témiscamingue !

Voir le positif !

Si l’information de base est vraie, l’objectif est toutefois de sécher la production de foin ou de luzerne et de l’envoyer en Chine par bateau pour nourrir les troupeaux bien avant l’achat de terres en tant que telles. Les sources rencontrées par notre publication à l’automne dernier évoquaient même la création au Québec d’une usine de séchage qui pourrait créer 200 emplois. Cet aspect positif semble avoir été écarté des médias qui ont repris l’information.

La peur, un modus operandi, mais pour quelle cause ?

Plusieurs dans les champs se demandent pourquoi L’UPA, par le biais de sa publication syndicale La Terre de chez nous, essaye depuis déjà plusieurs années d’entretenir une certaine peur quant à l’achat de terres et notamment par des Chinois. “L’objectif syndical est-il de faire pression sur le gouvernement pour se voir octroyer un autre droit de contrôle total sur les transactions et par le fait même obtenir de nouvelles entrées financières ?“, s’inquiètent plusieurs producteurs qui craignent pour leur liberté et trouvent déjà l’implication de l’UPA très présente dans tous les secteurs du monde agricole.

Est-on moins Québécois si on est d’origine chinoise ?

Une question fondamentale ne se pose-t-elle pas derrière cette approche qui semble prendre forme dans le discours de L’UPA ? Puisque ces Chinois, pour acheter des terres, sont obligés par la loi de résider depuis au moins trois ans au Québec, en quoi devrait-on les craindre plus qu’un acheteur québécois, belge, suisse ou italien ? Veut-on laisser présager que, parce que d’origine chinoise, ils seraient “moins québécois“ ?

Que l’on se fasse une idée sur l’acceptation d’acheter des terres par des fonds ou des compagnies est une chose. Que l’on classifie la pertinence d’acheter des terres agricoles en fonction de l’origine ethnique des dirigeants des entreprises est, semble-t-il, une logique politique quelque peu dangereuse !

La diversité, un atout plutôt qu’un obstacle !

Que L’UPA s’insurge que les terres agricoles du Témiscamingue soient achetées par des Ontariens ou des Montérégiens est une chose qui met en évidence une problématique de relève agricole locale et une déficience dans l’occupation du territoire pour le futur, mais est-il éthique de s’insurger encore plus parce que ces Ontariens ou Montérégiens seraient d’origine chinoise ? “N’est-il pas temps que le Québec reconnaisse la diversité comme un atout plutôt qu’un obstacle?“ s’inquiètent des producteurs du Témiscamingue. Le débat enfle au point où l’UPA organise demain le 10 février une rencontre à Saint-Bruno-de-Guigues, sur les enjeux reliés à la financiarisation des terres en présence du président du syndicat provincial, Marcel Groleau.

Lucie Charest, journaliste à l’hebdomadaire La Frontière rapportait ce matin le 9 février les propos de producteurs qui s’insurgent sur le racisme ambiant au Témiscamingue, provoqué par un discours syndical clivant: “Ils étaient où ces gens-là (de l’UPA) quand on était dans la grosse misère, ils ont fait quoi pour nous aider à protéger ce qu’ils appellent notre «patrimoine agricole». Ils devaient le savoir que si on n’arrivait pas, on finirait par être obligés de vendre. S’ils ont peur de se faire envahir par les Chinois, c’est du racisme ça. C’est quand même pas pire qu’Olymel à Fugèreville.“ peut-lire dans les propos rapporté par le journal La Frontière.

 

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