Depuis des mois les producteurs de lait tentent d’alerter les autorités sur une situation dramatique pour leur filière : l’importation de lait diafiltré des États-Unis qui a un impact sur le prix de l’hectolitre ici. Dès le mois de mai, dans les champs on savait qu’il se jetait du lait au Québec et en Ontario. L’UPA cachait l’information. La Vie agricole l’a dévoilée. Ensuite, grâce au réseau Lait’quitable, un regroupement de plus de 2600 personnes sur Facebook, il nous a été possible de savoir que les Américains utilisaient de la main-d’œuvre étrangère selon un mode quelque peu esclavagiste, que les multinationales privées ou coopératives jouaient toutes le même jeu du plus bas coût pour un plus gros profit par le jeu de l’importation de lait diafiltré peu importe les conséquences au Québec et au Canada.
Des producteurs plus alarmistes que leur syndicat !
Des producteurs ont tenté d’alarmer leur syndicat officiel et leur média officiel. Face à des portes closes, ils sont venus vers nous et nous avons fait part dans nos colonnes de leur inquiétude grandissante. Nous avons alors conté dès le printemps et l’été : le constat du lait gaspillé, la crise du beurre et la fronde contre la Fédération, le manque d’inspection aux douanes, l’utilisation de la somatotropine (BST) au sud de la frontière depuis 1990, les systèmes d’intégration dans la filière lait qui commencent à naître en Belgique et en Pennsylvanie. Au cours de l’été, suite à la création sur les réseaux sociaux du groupe sous le nom de Lait’quitable, les rapports de force ont changé au Québec : les producteurs de lait sont devenus leaders d’un mouvement qui aurait dû être mené par leur syndicat.
Lait’quitable, plus crédible que la Fédération du lait
Lait’quitable est aujourd’hui une force plus crédible que leur fédération : Les producteurs de lait (PLQ). Le réseau social mené par Bruno Saint-Pierre et quelques autres détient un pouvoir non négligeable. Ce regroupement est à l’origine de toutes les manifestations qui ont eu lieu à l’automne dernier et encore en janvier. C’est grâce à eux si le sujet de la gestion de l’offre a occupé en partie la dernière campagne électorale fédérale.
Les syndicats officieux doivent apprendre de Lait’quitable !
Le groupe Lait’quitable, qui regroupe près de 3000 personnes, interpelle probablement plus les décideurs que le syndicat officiel ou les syndicats officieux en recherche de reconnaissance. S’il est vrai que Lait’quitable en quelques semaines a réussi à distancer, et de loin, les actions de L’UPA pour la défense des producteurs de lait au Québec, il a aussi plus dérangé que le CEA ou L’Union paysanne ces dernières années. Les mouvements syndicaux en attente de reconnaissance officielle ont à en apprendre de ce groupe virtuel qui aujourd’hui devra faire partie de la solution à la problématique des importations de lait des États-Unis qui s’impose à nos gouvernements. Les syndicats en attente d’une reconnaissance par la loi ne devront pas toujours attendre un geste du gouvernement, mais plutôt mener des actions dans la rue, dans les médias ou les réseaux sociaux pour défendre leur cause, démontrer l’intérêt de leur existence et démontrer la force de leur membership.
Lait’quitable, un syndicat en soit !
Un syndicat c’est un regroupement pour la défense et la gestion d'intérêts communs. Exactement ce que fait Lait’quitable. Quand un groupe de personnes est convaincu de sa cause et risque de perdre gros à ne pas bouger, il s’organise pour être entendu. Les producteurs de lait abandonnés par leur fédération et leur syndicat officiel ont compris cela ! Un ex-président du syndicat du lait dans la région de Chicoutimi, nous déclarait d’ailleurs début janvier que, “Lait’quitable c’est plus fort que toute réunion syndicale!“. Lait’quitable n’est pas seulement la plus grande force de contestation du monde agricole actuellement, il est devenu un syndicat en soit !
Encore une fois, Lait’quitable surprend en allant au VG!
Le comble, nous apprenait Bruno Saint-Pierre, le 10 février dernier en marge de l’assemblée générale annuelle d’Agropur à Montréal, lui et ses acolytes sont allés en audience devant le Vérificateur général du Canada et une enquête sera effectuée sur le changement de nature des ingrédients laitiers lors de son passage à la frontière. Ils ont par leur démarche étonné les organisations officielles qui se sont fait une fois de plus devancer dans l’action.
BV : Sur la photo, Bruno Saint-Pierre, producteur de lait et initiateur du réseau Lait’Quitable et Simon Bégin, journaliste collaborateur à La Vie agricole et auteur du livre à venir sur la gestion de l’offre coédité par LVA-VLB.