Jean Pronovost, auteur du rapport “ À l’écoute de la relève agricole“ présenté aujourd’hui en présence du ministre de l’Agriculture Pierre Paradis, à l’Assemblée nationale, a précisé que les solutions inscrites à son document proviennent des propos tenus directement par les producteurs rencontrés partout au Québec. Il a présenté un portrait concret et précis de la situation. Rapidement les propos rapportés ont été contestés par le Parti québécois.
Utiliser des outils existants
Pour Jean Pronovost plusieurs constats s’imposent. Il déclare que le transfert de ferme est la voie royale d’accès à l’agriculture. Il rappelle que monter une ferme à partir de rien reste très difficile. “ Il faut encourager le transfert de ferme en facilitant des arrangements financiers avec des outils comme les contrats vendeur/prêteur“ précise-t-il. Il souligne qu’il faut aussi aider les jeunes non apparentés dans leur processus de relève.
“L’accaparement des terres pour les jeunes, c’est marginal !“
Il note que le prix des terres augmente de manière fulgurante, mais que la valeur varie selon les régions. Certains jeunes, précise-t-il, se disent “ pas touchés par le phénomène dans certaines régions“ Et il ajoute : “ Parfois les premiers responsables sont les producteurs eux-mêmes. Ils sont alors à l’origine du problème qu’ils déplorent. L’accaparement des terres pour les jeunes, c’est marginal ! “
Changer les politiques de la gestion de l’offre
La plupart de la jeunesse est en faveur de la gestion de l’offre nous apprend le nouveau rapport Pronovost “ Les jeunes craignent les traités internationaux et les importations de lait diafiltré, mais mon rapport souligne plusieurs contraintes à la gestion de l’offre. Le système des quotas actuels favorise les plus grosses entreprises. Un producteur ne peut pas actuellement louer du quota ou céder des quotas même à sa propre fille. La viabilité des politiques de gestion de l’offre exige qu’on augmente les quantités des quotas disponibles pour les jeunes. “
Jean Pronovost réfère d’ailleurs à la page 37 de son rapport à une chronique de notre actionnaire et chroniqueur Yan Turmine qui allait dans ce sens en mars 2015.
M. Pronovost a aussi rappelé que des outils existent comme le FIRA (Fonds d’investissement pour la relève agricole) ou la Financière agricole, mais qu’ils sont peu connus et que les fonds de ces organismes ne sont pas utilisés à pleine capacité.
Élever le seuil du hors quota !
Le Rapport Pronovost, mouture 2016, rappelle que la politique de la Commission du territoire agricole du Québec (CPTAQ) interpelle la relève : “ En obligeant les petites fermes à détenir plus de terres que leur besoin réel, on les freine dans leur défi. Il faut savoir qu’il y a une émergence dans toutes les régions du Québec de réseaux de petites fermes qui font de la vente directe au client. Il faut dans cet esprit élever le seuil du hors quota au-delà de l’obligation de se limiter à 100 poulets par exemple.“ Il rappelle que certaines provinces permettent 2000 poulets hors quota.
Reconnaître la pluralité de l’agriculture
En conclusion Jean Pronovost a rappelé que l’agriculture québécoise est plurielle et qu’il faut accepter d’accueillir plusieurs modèles. Il a aussi reconnu suite à la question posée par La Vie agricole qu’il constate que l’agriculture n’a pas beaucoup changé entre son dernier rapport en 2008 et celui-ci : “ Il faut que ça bouge que ce soit dans le cadre du monopole ou en dehors.“
Paradis attaqué sur ses relations tendues avec l’UPA
Pierre Paradis à ses côtés a précisé:“ On a autant besoin de la ferme industrielle que de la petite ferme bio.“
À la question en lien avec ses relations tendues avec l’UPA et son intention éventuelle de légiférer pour mettre fin au monopole syndical il a déclaré au cours du point de presse de présentation du rapport Pronovost avoir consulté Québec Solidaire, la CAQ et le PQ et a évoqué la possibilité d’un consensus à venir sur ce sujet. Il a d’ailleurs lu en conférence de presse les citations (publiées dans La Vie agricole) de Françoise David, de Sylvie D’Amours, de Bernard Landry et de Jean Garon toutes en faveur de la fin du monopole syndical et il a ajouté : “ Il n’y a pas de rédaction en cours pour légiférer cette session, mais je ne connais pas les priorités de l’automne.“ Il a refusé d’exclure de légiférer sur ce sujet d’ici la fin de son mandat.
Incompréhension de l’agenda de Marcel Groleau
Mais pour lui, a-t-il dit, le vrai sujet de l’heure, c’est la problématique du lait diafiltré sur lequel il espère que tous travaillent dans le même sens. Il nous a par la suite déclaré ne pas comprendre l’agenda actuel du président de L’UPA, Marcel Groleau alors que le Québec appréhende une crise dans la filière laitière.
Villeneuve exaspéré : “Paradis doit dire où il va avec l’UPA !“
André Villeneuve, critique en matière agricole du Parti Québécois, flanqué de Michèle Lalancette, présidente de la FRAQ (Fédération de la relève agricole du Québec), a décrié l’attitude du ministre Paradis : “ On est tous derrière les producteurs de lait, mais là Paradis, j’en peux plus ! Est-il paresseux ? Il a dit avoir consulté Québec Solidaire, la CAQ et des anciens du Parti québécois, mais moi, il ne m’a pas consulté. Il doit dire où il va avec l’UPA !“
Il a ensuite ajouté : “ La CAQ quant à elle est menottée par le fait que Charles Sirois, président de Pangea est cofondateur de la CAQ.“
La FRAQ dans le ton habituel de L’UPA
Michèle Lalancette a quant à elle exprimé sa déception face au rapport Pronovost avec des arguments ressassés depuis des années par l’UPA : “ Nous sommes déçus de voir que le rapport Pronovost ne reconnaît pas le phénomène d’accaparement des terres et qu’on y fait l’apologie de Pangea. Nous, on veut s’assurer qu’il y ait encore des jeunes dans les écoles en région. Pour le hors-quota, il faut voir, mais il faut que ça continue d’être géré par les plans conjoints !“
La tête de Paradis ?
Des journalistes de la presse généraliste ont insisté sur la volonté de l’UPA de voir démissionner ou renvoyer Pierre Paradis, Michèle Lalancette a dit : “ Qu’il quitte ses fonctions peut-être pas, mais qu’il travaille avec tout le monde. Il ne travaille avec personne.“
André Villeneuve a été plus catégorique et estime que le ministre de l’Agriculture n’a plus sa place à ce ministère. Pierre Paradis en conférence de presse et en commission parlementaire a répété : “ Quand à ma tête c’est au premier ministre de décider. Le vrai problème aujourd’hui c’est le lait diafiltré.“
Paradis très inspiré par Jean Garon !
Par ailleurs, relancé par André Villeneuve sur sa volonté de mettre fin au monopole de l’UPA, il s’est permis en commission parlementaire de rappeler que des péquistes notoires comme Bernard Landry et Jean Garon se sont exprimés sur la nécessité de passer au pluralisme agricole.
“ Garon appuyait la fin du monopole, c’est clair non ?“
NB : Rappelons que L’UPA avait refusé de participer à cette consultation