Souveraineté alimentaire: Un débat intéressant, mais théorique

Il faut donner à L’UPA le mérite d’avoir organisé avec la coalition sur la souveraineté alimentaire le débat qui a eu lieu le 21 septembre au soir à Montréal au Centre d’Architecture Canadien (CCA), mais il faut admettre que le débat est resté très théorique et assez loin des enjeux réels sur le terrain. Trois conférenciers d’expérience y prenaient part : Jean Charest, ancien vice-premier ministre du Canada et ancien premier ministre du Québec, Alain Lipietz, économiste et ancien élu politique français pour le parti vert et Geneviève Parent, avocate et professeure titulaire à la Faculté de droit de l’université Laval et titulaire de la Chaire de recherche en droit sur la diversité et la sécurité alimentaire. 

Souveraineté alimentaire nationale, européenne ou mondiale ?

Alain Lipietz après avoir fait l’historique de la sécurité alimentaire en Europe a soutenu que le modèle agricole européen était appliqué en fonction des modèles prussien et américain invitant à la dépendance aux engrais. Il a ensuite précisé qu’en Europe, il y a en ce moment un mouvement social contre les traités internationaux, car la population a peur de la déréglementation. « Les gens ont aussi peur des OGM et se préoccupent de l’écologie» a-t-il ajouté. Pour Lipietz, il y a bien un avenir pour la souveraineté alimentaire, mais : « Il reste à voir à quelle échelle elle se constituera, à savoir si ce sera de niveau national, européen ou mondial ?»

Vide juridique à l’international

Geneviève Parent a rappelé la définition de la sécurité alimentaire et a exposé l’existence d’un vide juridique à l’international sur la plan d’une garantie aux populations d’une saine et nutritive alimentation : « Les traités prennent peu en compte les considérations liées à la sécurité alimentaire, mais est-ce vraiment leur rôle?» sait-elle demandé. « On doit protéger et promouvoir les productions d’ici, mais il faut savoir que le Québec a toujours été très novateur en ce sens».,a-t-elle précisé. Elle a fait savoir que le balancier entre le libéralisme et le protectionnisme pourrait bien tendre à nouveau vers le protectionnisme au regard du Brexit. Elle a aussi rappelé qu’il faudra suivre le résultat des élections aux États-Unis pour comprendre réellement la tendance à venir. « Il faut par ailleurs demander aux états une exception pour l’agriculture comme il y en a eu pour la culture», dit-elle.

Jean Charest reste proche du politique

Jean Charest a été celui qui a abordé la question dans un sens plus politique et il l’a annoncé d’emblée après avoir remercié Marcel Groleau de l’avoir invité. Il a rappelé que depuis l’ALENA la question de la gestion de l’offre inquiète, mais s’est dit fier de l’avoir toujours défendue. Il n’a toutefois pas dit un seul mot dans sa présentation sur la problématique du lait diafiltré qui malmène le système de gestion de l’offre en ce moment. Ce n’est qu’après le colloque qu’il a répondu à la question de La Vie agricole sur ce sujet : «Deux agences qui ne se parlent pas, c’est pas nouveau, je connais ça, mais je m'attends à ce que les gouvernements tiennent parole. Il faut régler cela!», nous a-t-il confié. Marcel Groleau nous a précisé lors de la réception qui suivait que ce débat ne s’en voulait pas un qui aille jusqu’à traiter d’enjeux aussi précis que le lait diafiltré.

Lors de son exposé, Jean Charest a rappelé que le Canada n’est composé que de 36 millions d’habitants avec un des niveaux de vie les plus élevés du monde. Que nos exportations allaient à 70 % aux États-Unis et qu’il fallait en accepter les avantages et les inconvénients.« Les échanges sont la base du développement de notre économie. Entre la signature de l’ALENA et jusqu’en 2008, nos échanges ont augmenté de 7 % par an c’est-à-dire plus que le PIB mondial moyen»,a-t-il dit.

Humaniser les traités de libre-échange !

Une nouvelle réalité se dessine a-t-il précisé avec les discours de Sanders, Clinton, Trump, chez nos voisins du sud où le protectionnisme est à l’ordre du jour : « Ce n’est pas notre vision du monde, mais cela traduit une anxiété de la classe moyenne américaine. Nous devons cheminer vers des étapes de négociations dans les traités de libre-échange pour les humaniser. Nous devrons nous occuper plus d’environnement et de droit des populations. Les accords ne passeront que si on s’intéresse à l’environnement et aux besoins des peuples.», a précisé Jean Charest.

À la question du modérateur, Louis Lemieux à savoir pourquoi la politique de souveraineté alimentaire voulue par Pauline Marois et François Gendron aurait été tablettée par les libéraux, il a répondu avec son franc-parler : « Les libéraux ont sûrement vu dans cette politique de souveraineté alimentaire un outil pour aller vers la souveraineté». Ce qui ne leur a probablement pas plus, a-t-i,  alors suggéré.

Le colloque de cette soirée a été organisé, avec le soutien financier de Desjardins, par l’UPA et la Coalition pour la souveraineté alimentaire qui dans son pamphlet de présentation se définit comme issue de la Commission et du Rapport Pronovost, mais personne n’aura dit un mot ce soir-là ni de Jean Pronovost ni de son rapport

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *