La réforme proposée dans le dossier de remboursement des taxes foncières agricoles semble créer beaucoup de remous. L’UPA, les municipalités, les partis d’oppositions, à peu près tout le monde semble mécontents de cette réforme. Pourtant le gouvernement s’engage avec cette réforme à mettre plus d’argent dans ce programme. Généralement la grogne se manifeste lors de coupures et non pas lors de la bonification d’un programme.
Les raisons de cette grogne sont nombreuses et inquiétantes, et plus l’on gratte, plus on s’aperçoit de la complexité de ce dossier et des raisons très justifiées de la grogne. Le gouvernement s’est lancé dans une réforme qui malgré de belles apparences risque de faire des vagues.
Avec toutes les réactions qu’a suscitées l’annonce du ministre sur la réforme du programme il est difficile de croire qu’il s’agit d’une bonification, comme le prétend le gouvernement. Premièrement peu d’acteurs semblent avoir été consultés. L’UPA et les municipalités ont été surprises de l’annonce un peu comme un cadeau de Noël, que l’UPA aimerez bien échanger et dont les municipalités aimeraient avoir le mode d’emploi.
De plus selon le ministère 2500 producteurs seraient dorénavant couverts par le remboursement de taxes, sans être membres de l’UPA. Opération difficile à comprendre un peu magique, dont seule l’Union paysanne semble s’accommoder. À ce que je sache dès que vous êtes reconnu comme un producteur par le gouvernement vous devez payer votre cotisation syndicale, c’est la loi. Et pour être reconnu, il faut avoir plus de 5000 dollars de revenus agricoles. Cela voudrait dire que le programme de remboursement de taxes du MAPAQ serait accessible à des non-producteurs, ou à des gentlemen-farmers ? Des spéculateurs pourraient-ils maintenant avoir accès à ce programme tout en soustrayant leur terre du monde agricole? Répondre par l’affirmative serait un changement majeur dans l’orientation des objectifs de ce programme.
Même si les montants affectés à ce programme sont en progression, on devrait voir nos comptes de taxes augmenter ainsi que la contribution du producteur. Deux raisons, la première c’est l’augmentation spectaculaire de la valeur foncière des fermes, phénomène commencé depuis une dizaine d’années et qui commence à se refléter sur les rôles d’évaluation. L’autre raison est liée directement à cette réforme : c’est la disparition de la valeur plafond à partir duquel le programme de remboursement commence à s’appliquer. Elle sera remplacée par un taux de remboursement sur l’ensemble de la valeur foncière, un taux inférieur au taux actuel.
Comme la valeur plafond à partir duquel l’ancien programme de remboursement s’appliquait était de 1800 dollars l’hectare (728 dollars l’acre), et qu’on a une valeur d’évaluation actuelle beaucoup plus importante avec un remboursement calculé à partir du premier dollar à un taux plus faible de remboursement, cela va conduire à une hausse de votre compte de taxes, une hausse qui risque dans certains cas d’être assez salée.
Les municipalités à première vue devraient être contentes de la situation, car elle risque de voir une augmentation substantielle de leur revenu, financée en partie par le gouvernement et en partie par le payeur de taxes. Cependant elles ont peur de voir une avalanche de contestation des rôles, une grogne qui risque de nous ramener aux disputes du passé entre villages et paroisses, pour savoir qui paye trop! La plupart des municipalités étaient arrivées à une certaine paix entre les villages et les paroisses, et cela un peu grâce à l’ancien programme de remboursement de taxes, où l’augmentation des taxes due à l’augmentation de valeur foncière était payée en grande partie par le gouvernement.
Possiblement devant l’augmentation fulgurante de la valeur foncière des dernières années, le gouvernement se devait d’agir à cause d’une facture de remboursement de taxes pour l’État qui était en train d’exploser. Il devait trouver une solution pour réduire la facture et forcer les municipalités à avoir des taux de taxation différents pour le foncier agricole afin de réduire l’augmentation du fardeau fiscal des producteurs. Quoi de mieux que de mettre face à face producteurs et municipalités afin qu’ils négocient leurs comptes de taxes, et par le fait même contrôler la hausse des coûts du programme. La manœuvre risque de mettre dos à dos citadins et ruraux et de détruire l’entente harmonieuse nécessaire dans nos régions entre la campagne et les villages. Il aurait peut-être été mieux d’avoir un nouveau pacte fiscal pour les villes et villages ruraux, un pacte négocié entre tous et non pas imposé comme cela semble l’être actuellement.