Mourir à la Ferme !

C’était en 2005. À Maricourt, dans l’Estrie, j’arrive pour un tournage sur une ferme. Le paysage est magnifique. Dans un rang au milieu de nulle part, on tourne à gauche et j’entre dans la maison. On installe notre équipement de tournage dans une des granges. Puis je fais la rencontre d’une jeune fille qui est seule dans l’étable. Elle jase avec son âne. Comme si on était en zoothérapie. Le décor est étrangement paisible avec une sensation de vide. Comme si la vie s’était arrêtée. 

Puis, la maman vient nous rencontrer. On s’installe. Moi, sur une chaise de bois, et mon interlocutrice, Madeleine, en face de moi. Le silence et surtout l’émotion qui pèsent lourdement. Madeleine me raconte le combat mené par son conjoint, Keith Long. Un agriculteur qui n’avait pas digéré le passage de la ligne électrique Hertel-Des Cantons d' Hydro Québec sur sa terre ancestrale. Puis on enchaîne avec la pratique de l’agriculture en “solo”. Keith passait son temps dans la grange. Quand les femelles vêlaient, c’était jour et nuit. Pas de vacances, pas de répit. Les enfants, le poids des finances, essayer de tout boucler. Travailler comme un fou. La pression de toute part. Puis vint un après-midi “out of nowhere” où Keith n’est pas rentré à la maison. Il est demeuré dans la grange – mais plus longtemps qu’à l’habitude. Les enfants revenaient de l’école. Keith n’est jamais ressorti. La morgue est venue le chercher. On a mis son corps dans un body bag.

Suite au départ de Keith, la grange est demeurée vide – seulement un âne pour tenir compagnie à cette jeune fille devenue orpheline. C’était la dernière semaine de novembre. J’ai téléphoné au fromager de St-Basile de Portneuf – Rudy Ducreux. Quand on signale le numéro de téléphone, un message vocal décline avant même les premières sonneries. “ Bonjour, vous êtes bien à la Ferme Ducreux, laissez-moi un message – je vous rappelle dès que possible.” Le fromager de St-Basile ne répond plus depuis un certain temps. Comme on dit par chez nous, M. Ducreux a levé le camp. À tout jamais. Un autre.

Quand la détresse et le désespoir nous guettent, il n’est pas trop tard pour contacter Au cœur des Familles agricoles. Faites-le pour vous. Faites-le pour votre conjointe et vos enfants. Malgré toutes les difficultés et la détresse, l’agriculture ne doit pas vous assassiner. Il n’y a pas de honte à demander de l’aide. Nous sommes tous vulnérables. Faites-le pour vous. Un seul numéro 24 heures par jour – 7 jours par semaine: 450-768-6995

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *