Le 30 octobre dernier, le gouvernement de Justin Trudeau signait en grande pompe à Bruxelles l'Accord économique et commercial global (AÉCG) entre le Canada et l'Union européenne (UE). Lors de cette signature, il vante les mérites d’un tel accord pour l’économie canadienne et les entreprises d’ici. Il faut savoir que cette entente tient à un fil puisqu’elle nécessite la ratification des 28 pays membres de l’UE. On oublie trop souvent que cet accord a pris six longues années de négociations au cours desquelles les pays ont payé des dizaines voire des centaines de personnes pour les représenter et négocier en leur nom.
En vue de l’entrée en vigueur de l’AÉCG, le gouvernement fédéral a annoncé un programme d’investissement de 350 millions de dollars, soit un programme de 250 millions sur cinq ans pour les producteurs de lait et un autre de 100 millions sur quatre ans pour les transformateurs. Les réactions sont unanimes tant du côté du gouvernement québécois que de l’UPA et des producteurs laitiers jugeant ces sommes nettement insuffisantes pour compenser l’entrée annuelle de 18 000 tonnes de fromage fin qui inonderont par le fait même notre marché.
Quelques jours à peine après cette séance de signature, c’est l’élection américaine. Au lendemain des résultats, le premier ministre canadien s’empresse de féliciter le nouveau président élu et lui offre généreusement de renégocier l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA). Accord signé en 1994 et qui, selon le gouvernement fédéral, est un exemple, pour le reste du monde, des avantages que procure la libéralisation des échanges entre pays.
Un geste qui rend sceptiques les citoyens à l’égard de leurs dirigeants !
Comment interpréter ce geste du premier ministre Trudeau sur le plan de la cohérence ? Encore une fois, un tel geste ne peut que rendre plus sceptiques les citoyens à l’égard de ses dirigeants politiques. D’un côté, il prêche et vante les mérites des accords commerciaux entre pays, et de l’autre, il baisse rapidement l’échine devant le nouvel élu américain qui prône le protectionnisme rejetant d’emblée tout accord commercial incluant le Partenariat TransPacifique!
Permettez-moi de douter de cette position et de questionner le bien-fondé de cette stratégie de négociation ! Elle me semble préjudiciable aux entreprises canadiennes et démontre une forme d’imprudence de la part de notre premier ministre. Au préalable, à ma connaissance, il aurait été justifié, mais surtout préférable d’en parler avec son autre partenaire de l’ALÉNA, le président du Mexique, avant de faire au président élu cette offre de renégocier.
De plus, sans être moi-même un spécialiste, cette offre ne dénote-t-elle pas que le Canada et son premier ministre seraient prêts à accepter à la baisse pour répondre aux visées américaines de protectionnisme du président élu Donald Trump ? Il me semble également risqué que, lors de la renégociation, le président américain et le lobby américain en profitent pour inclure cette fois-ci des secteurs économiques exclus en 1994 notamment la politique agricole. Nous sommes en droit de questionner la position du premier ministre fédéral qui, d’entrée de jeu, déchire une entente dûment signée et qui fonctionne bien depuis plus de 22 ans.
Je joins ma voix à tous ceux et celles qui craignent le pire au chapitre de la perte d’emplois et de difficultés financières pour nos entreprises si une telle renégociation avait lieu. La position du premier ministre Trudeau et les raisons qui le conduisent à vouloir renégocier l’ALÉNA sont difficilement justifiables au plan de la cohérence politique. S’il voulait renégocier à tout prix, pourquoi ne pas s’atteler à la tâche et de revoir les sommes prévues aux fins de compensation pour les producteurs laitiers et les transformateurs avant qu’entre en vigueur l’AÉCG? Ce serait une façon de présenter la mondialisation sous une facette plus modérée pour contrecarrer la montée des mouvements d'opposition au libre-échange.