NDLR : La Vie agricole qui s’était intéressée au rôle de l’halal dans l’agriculture et l’agroalimentaire québécois dans son édition d’août dernier, suite aux évènements terroristes survenus à Québec hier envers des musulmans, vient de réaliser une entrevue avec Khadiyatoulah Fall, professeur et chercheur titulaire de l’Université du Québec à Chicoutimi, docteur en sciences du langage de l’université de Nice en France et titulaire de la Chaire d’enseignement et des recherches interethniques et interculturelles ( CERRII). Il nous a déclaré œuvré pour dénoncer le double discours sur l’Islam alors que le «business» de l’halal est géré essentiellement par des non-musulmans.
L’halal dominé par des non-musulmans !
M.Fall nous a confié axer beaucoup son travail de recherche sur le «business de l’halal».
« Je me questionne sur un paradoxe. L’halal est l’objet de critique dans le monde occidental. L’halal est devenu un signe de stigmatisation comme les mosquées. Il faut dire la vérité : Le business de l’halal est dominé par des non-musulmans. La première compagnie mondiale du business halal, c’est Nestlé. Mc Donald est un grand producteur de biens halal. C’est au Brésil et en Australie que l’on retrouve les plus grands consommateurs d’halal et ce ne sont pas des pays musulmans. Dans le domaine du cosmétique halal, la principale compagnie c’est L’Oréal dont la propriétaire est la milliardaire française, Ingrid Bettencourt, alors j’aimerais bien qu'on n’arrête le double discours sur l’halal.», de nous dire M.Fall.
Et il ajoute : « On parle même aujourd’hui du développement du tourisme halal. C’est un business et un espace qui n’est pas exclusivement musulman.»
L’halal, ce sont les affaires avant la religion !
Il rappelle ensuite que c’est utile à l’économie mondiale puisque cela représente 800 milliards de dollars par an et que le secteur halal est en augmentation de 15 % par an.
« Je souhaite que l’on comprenne que l’halal fait plus partie aujourd’hui du business que du monde religieux et qu’il est soumis à des règles d’hygiène et de sécurité qui sont normées par l’espace mondial. Les multinationales qui sont derrière cela ont compris que les musulmans seront bientôt 2 milliards dans le monde. »
Le halal comme moteur économique de l’agriculture québécoise
M.Hall nous a expliqué qu’il souhaite faire comprendre à la population que nous sommes face à un double discours d’un côté on critique le halal et la communauté islamique et de l’autre on développe des marchés autour de ce concept. « Je voudrais plutôt voir comment le Québec et le Canada peuvent s’impliquer dans cet espace économique. Bien trop souvent le Québec est dans le rejet pour des raisons idéologiques! Alors que moi je vois l’halal comme un développement positif pour l’agriculture du Québec.»
Le discours anti-islam, une escalade inquiétante au Québec
« Nous sommes au Québec depuis trop longtemps dans une dynamique de focalisation islamique alors que le terrorisme existe sous plusieurs formes : d’extrême droite, d’extrême gauche… Il y a aussi du terrorisme régionaliste, de l’écoterrorisme… Oui le djihadisme islamique est un fait, il faut en tenir compte, mais cela ne doit pas faire oublier que la palette du terrorisme est beaucoup plus large», dit-il.
« Je note que cet acte terrorisme contre des musulmans ne s’est pas produits à Montréal, mais à Québec. Les mouvements d’extrême droite y sont implantés, pas à Montréal. Montréal est un espace de diversité et Québec reste empreinte de conservatisme. Cela se reflète aussi dans les élections.»
« Nous sommes face à une escalade inquiétante : le discours extrémiste islamique et le discours d’extrême droite se nourrissent l’un et l’autre et se rivalisent dans le spectacle. Cela crée de la confusion et une montée du ressentiment.» S’il confirme que certains médias peuvent en être la cause, il s’inquiète surtout des idées en filigrane derrière les discours de certains politiciens qui prônent des discours de droite et de nationalisme exacerbé. S’il reconnaît que les quatre forces politiques principales du Québec n’ont pas de discours officiels haineux envers les musulmans, il précise : « Dans ces forces politiques officielles, il y a des leaders qui peuvent déranger, qui construisent ce discours anti-islam en se basant sur la théorie de la peur du remplacement des occidentaux par des musulmans.»
Crédit Photo: La Presse