L’abolition de la gestion de l’offre appliquée au Canada n’est pas véritablement au cœur des préoccupations du secteur agricole américain. Pour l’instant, c’est la perte de marchés et une éventuelle guerre commerciale avec le Mexique et la Chine qui leur fait craindre le pire.
Chad P. Bown, chercheur principal au Peterson Institute for International Economics à Washington craint, comme d’autres analystes, que les États-Unis ne paient un fort prix à vouloir rouvrir l’ALENA et à abolir le Partenariat TransPacifique.
« Étant donné que les pays de l'ALENA sont tous membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), au pire chacun peut appliquer les droits d'importation qu'ils offrent à tous les autres pays de l'OMC. Les nouveaux droits américains sur les importations en provenance du Canada et du Mexique pourraient augmenter à une moyenne de 3,5 %. Pour les nouveaux obstacles commerciaux auxquels sont confrontés les exportateurs des États-Unis, les droits d'importation du Canada augmenteraient à 4,2% et ceux du Mexique augmenteraient à 7,5% », a-t-il déclaré au Washington Post.
Le véritable enjeu: le Mexique
Le chercheur considère que les États-Unis ont largement profité de l’ALENA pour s’accaparer plusieurs marchés agroalimentaires, principalement au Mexique. Déjà, l’attitude de Donald Trump a durci les positions commerciales entre les deux pays.
Le site web The Bullvine rapportait, il y a quelques jours, que « les autorités mexicaines ont menacé de prendre des représailles contre les exportations américaines en dehors du lait, y compris le boeuf du Texas, le porc de l'Iowa, le maïs et le soja du Midwest.
De son côté, le Dairy Market News signale que certains acheteurs mexicains préfèrent maintenant obtenir leur lait en poudre en provenance de pays autres que les États-Unis. Le journal soutient que l’impact est d’autant plus sérieux que "le Mexique représentait 43% des exportations américaines de lait écrémé en poudre en 2016 », étant de fait le premier acheteur de lait des États-Unis.
Selon John Wilson, vice-président principal du Dairy Farmers of America, une coopérative regroupant 14 000 producteurs laitiers, les États-Unis exportent environ 500 millions $ de poudre de lait au Mexique chaque année, soit plus de 10 fois le volume d’il y a 20 ans.
Et les producteurs laitiers subissent une baisse des prix du lait de 10% depuis janvier dernier.
En outre, les producteurs de fruits et légumes de la Californie, dont plusieurs ont établi des fermes au Mexique, craignent d’être pris dans une guerre commerciale transfrontalière. La valeur de la production de fruits et légumes au Mexique expédiée aux États-Unis est supérieure à 12 milliards $.
Revoir l’ALENA pour aider les agriculteurs ou les transformateurs agroalimentaires ?
Le prestigieux magazine Forbes rappelle que si Donald Trump veut renégocier l’ALENA, c’est surtout pour aider les manufacturiers agroalimentaires, pas les agriculteurs.
« Les agriculteurs des trois pays de l'ALENA font face à trois années consécutives de baisses de prix et d'endettement agricole. Plusieurs groupes appellent les pays membres à ‘’avoir le droit et la capacité de protéger leurs agriculteurs contre les importations déloyales qui faussent le marché intérieur’’ et d'appliquer les lois existantes pour empêcher le dumping des produits agricoles en dessous de leur coût de production », renchérit Karen Hansen-Kuhn de l'Institut pour l'agriculture et la politique commerciale.
De gauche à droite, Justin Trudeau, Donald Trump et Enrique Pena Nieto – Crédit Photo : Reuters/Chris Wattie/Brian Snyder/Carlos Jasso