Fiscalité agricole: Le rapport Godbout démontre que rien n’est réglé !

Si l’UPA estime en sa faveur le rapport Godbout, une lecture objective amène une toute autre lumière sur le sujet. Pour l’UPA, le Rapport Godbout confirme que la réforme voulue par l’ex- ministre de l’agriculture Pierre Paradis avait un impact négatif pour plus de 80 % des entreprises agricoles, comme il l’affirmait. Une lecture plus précise du rapport met en lumière d’autres réalités qui démontrent que Paradis n’était pas si loin de la vérité et qu’aujourd’hui rien n’est réglé ! 

L’UPA cite le rapport Godbout dans un communiqué sorti aujourd’hui : «Selon le fiscaliste, 82,7 % des entreprises agricoles déjà admissibles au PCTFA auraient vu leur aide diminuer, tandis que 17,3 % d’entre elles auraient vu leur aide augmenter. Cette conclusion va dans le même sens que les évaluations de l’Union.»

Toutefois les choses  ne sont pas si simples que l’espère l’UPA ! L’économiste Luc Godbout est clair : l’opposition forcenée de l’UPA n’a rien réglé puisque le titre du rapport s’intitule : « La réforme abandonnée, un dossier non réglé»

Cotiser à l’UPA pour obtenir un remboursement, un non-sens !

Luc Godbout rappelle qu’il s’agit d’un rapport complexe et opaque et que le mandat donné par Paradis et confirmé par Lessard était de résoudre des contradictions. Godbout rappelle que la Commission de révision des programmes dès l’automne 2014 souligne qu’elle recommande au gouvernement d’examiner le Programme de crédit de taxes foncières agricoles et que dès 2014 cette Commission soulignait « le caractère difficilement justifiable de l’obligation pour les agriculteurs de cotiser à l’Union des producteurs agricoles, pour pouvoir bénéficier du programme.»

La Commission allait même jusqu’à spécifier : « Ce critère d’admissibilité doit être retiré.»

Le Québec, seule province à choisir la subvention !

Lorsque l’économiste Godbout fait des comparaisons avec le reste du Canada on comprend que « Le Québec n’est pas la seule juridiction à soutenir le secteur agricole par des mesures visant à réduire le poids des taxes foncières sur les entreprises, mais que le Québec est la seule juridiction canadienne où la compensation prend la forme d’une subvention directe au producteur agricole.»

Lors de sa comparaison internationale, Luc Godbout précise: « Près d’une dizaine d’États  ont également instauré une exemption totale ou partielle en matière de fiscalité agricole, dont la Californie à l’égard des entreprises produisant des fruits ou des noix de même qu’à l’égard des entreprises viticoles. En Europe, des mesures d’allégement foncier ont été établies sur la base d’une évaluation inférieure à la valeur du marché ou fondée sur un indicateur de revenu.»

Retour à la case départ !

La réforme administrative abandonnée visait à assurer la pérennité du programme, à simplifier le programme et à maintenir le niveau global de l’aide accordée. Avec le départ de Paradis et l’arrivée de Lessard c’est retour à la case départ.  Pour le meilleur et pour le pire.

L’abandon de la réforme et le rétablissement rétroactif des règles précédentes soulèvent en fait des enjeux de deux ordres : Des enjeux administratifs et financiers pour l’État, « Il est évident que cette décision est une nouvelle source de complexité et donc probablement de coûts administratifs supplémentaires pour un programme dont le gouvernement soulignait déjà la multiplication des étapes de calculs et le manque de clarté », de dire Godbout. De cela découlent divers enjeux politiques qui ne seront pas neutres sur le plan financier.

Des éléments intéressants dans la réforme abandonnée !

Godbout souligne des éléments intéressants de la réforme abandonnée: une simplification provenant essentiellement de la réduction du nombre de critères d’admissibilité et le transfert de l’administration du programme à Revenu Québec.

Valeur des terres, Québec mieux loti que le Canada !

Sur l’augmentation de la valeur des terres, pour Godbout le Québec s’en tire mieux que le Canada : « Depuis dix ans, la valeur des terres a été en croissance au Québec, mais cette croissance est légèrement plus faible au Québec que dans l’ensemble du Canada». Il va même jusqu’à évaluer que deux arguments jouent en faveur du ralentissement de la croissance du prix des terres agricoles : les perspectives concernant les prix des grains qui sont revenus à ce qu’ils étaient avant la flambée des années autour de 2010 et les taux d’intérêt qui n’ont jamais été aussi bas. Une augmentation de ceux-ci vont entraîner un ralentissement de la hausse des prix des terres pense Luc Godbout.

Erreur de calcul pour l’UPA

Godbout corrige l’UPA sur sa méthode de calculs lorsque le syndicat appuyé par Raymond Chabot Grant Thornton déclare que le total des taxes foncières nettes à payer par les producteurs agricoles admissibles au Programme de crédit de taxes foncières agricoles serait passé de 42,6 millions de dollars à 58,9 millions de dollars entre 2016 et 2017, ce qui aurait représenté une augmentation de 38 %.

« L’écart avec l’évaluation présentée précédemment, soit 14 % , provient du fait que dans ses calculs, l’Union des producteurs agricoles n’a pas adéquatement pris en compte les changements apportés par la réforme aux taxes admissibles», de dire Godbout.

Paradis n’avait pas tout faux

Luc Godbout écrit dans son rapport : « On remarque que 40,7% des entreprises auraient vu leur aide varier de moins de 200 $ à la hausse ou à la baisse.»

On comprend que dans la réforme plusieurs entreprises agricoles sortaient gagnantes, mais que de nombreuses entreprises sortaient perdantes avec une perte « dans plusieurs cas relativement faibles». De là à penser que le 113 $ en moyenne de Pierre Paradis n’était pas si loin de la réalité, il n’y a qu’un pas !

Le membership au cœur de la bataille !

À la lecture de ce rapport, il semble encore plus évident que la bataille de l’UPA ne se faisait pas sur une base monétaire, mais bien plus pour sauver l’obligation de cotiser au syndicat pour obtenir un remboursement. Luc Godbout rappelle dans sa conclusion que « ce programme reste plus que jamais lourd à administrer.»

Il suggère de simplifier le programme et de réduire les coûts d’administration et de réfléchir au plafond du seuil d’admissibilité.

La vraie question est : « Quel prochain ministre de l’Agriculture osera toucher à ce dossier sensible ?»

 

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