Robert Garo a eu toute une surprise lors de la dernière Assemblée générale annuelle à laquelle il a participé, à Victoriaville, en février dernier. Même s’il est membre de l’UPA depuis plus de trente ans, on lui demandait de remplir un formulaire d’adhésion pour se prévaloir de son droit de vote!
Le producteur d’origine suisse allemande, qui est établi à Saint-Léonard-d’Aston depuis 1986, n’avait jamais vécu une telle chose depuis toutes ces années. Il estime que si le syndicat est obligatoire par la Loi, il n’a pas à resigner quoi que ce soit.
«J’aurais pu simplement le faire et ça ne m’aurait rien coûté de plus, mais j’ai refusé par principe, soutient-il. Le représentant de l’UPA s’est excusé plusieurs fois, mais je n’ai pas rempli le formulaire et je me suis abstenu de voter.»
Une forme de protestation pour celui qui a le sentiment qu’en procédant de cette façon, l’UPA tente de prouver qu’elle a encore le soutien des producteurs qui iraient peut-être se faire représenter ailleurs si la loi ne les obligeait pas à en faire partie.
Sur la liste noire !
Robert Garo soupçonne également qu’il s’agit d’une forme de réprimande qu’a voulu lui faire l’UPA, étant donné qu’il a fait partie d’un groupe de défense des producteurs de bovins. On se souviendra que ceux-ci ont eu des démêlées avec la Fédération pour avoir refusé d’acquitter leur part pour payer la faillite de l’abattoir Lévinoff-Colbex.
«On a fini par payer avec des arrérages de deux ans, mais c’est certain que je suis sur la liste noire», soutient Robert Garo, qui croit qu’il s’agit d’une tentative de l’UPA de museler les producteurs qui ne sont pas en accord avec les orientations syndicales.
L’intimidation de l’UPA ?
M.Garo déplore également une certaine forme d’intimidation qui semble prévaloir lors de certaines assemblées. «Il y a des jeunes qui posent des questions. Ils se font ensuite amener à l’écart et on leur demande pourquoi ils posent ces questions-là», raconte-t-il.
À son avis, les positions de l’UPA sont loin de faire l’unanimité. «Ils disent toujours que 99% des producteurs sont en accord avec ce qu’ils disent, mais si c’était au vote libre, ce ne serait même pas 50%», estime le producteur laitier.
Celui-ci fait d’ailleurs partie de l’UPA par obligation, pour le transport du lait. «Ils ne font pas un bon travail. Quand tu n’es pas d’accord, ça ne marche pas, déplore-t-il. C’est une grosse machine, mais si on analyse ce que ça coûte et ce que ça rapporte…»
Il croit également que ce n’est pas normal que l’UPA ait autant de pouvoir tout en étant protégée par le gouvernement. «Ils peuvent bloquer l’accès à l’assurance-récolte ou le remboursement de taxes municipales d’un producteur», rappelle-t-il.
De l’avenir en agriculture?
Celui qui est arrivé au Québec à l’âge de 28 ans a une vision un peu plus globale et en connaît un bout sur ce qui se fait ailleurs dans le monde. Selon lui, le plus grand danger qui guette les producteurs québécois, ce sont eux-mêmes. «On se déchire entre nous, lance-t-il. Les gros producteurs veulent tout ramasser.»
Celui qui a dû s’exiler chez nous pour vivre de l’agriculture a vu le nombre de producteurs disparaître comme neige au soleil dans son village natal, qui est situé dans le canton de Berne, en Suisse. «Nous étions 42 producteurs et il en reste un seul», indique-t-il.
«Il faut sauver la gestion de l’offre», dit Garo
Si le modèle de la gestion de l’offre et les quotas disparaissent, le même sort pourrait guetter les petits et les moyens producteurs dans toutes les régions du Québec, croit-il. «Ça pourrait venir à un ou deux producteurs par village ici aussi», soulève celui qui possède un troupeau d’une soixantaine de vaches laitières.
Il s’inquiète également des propos de Maxime Bernier, candidat à la chefferie du Parti conservateur. L’éventuel premier ministre du Canada a complètement changé son fusil d’épaule dans le dossier de la gestion de l’offre. Après l’avoir défendu bec et ongle à titre de ministre de l’Agriculture, il prône désormais le libre marché.
«C’est une double menace, note-t-il. Il prétend que le prix va baisser pour les consommateurs, mais c’est faux. En Europe, le quota n’existe plus depuis 6 ou 7 ans, et le prix a chuté de moitié pour les producteurs.»
La disparition du modèle agricole sur lequel se base le Québec depuis des années serait trop risquée, en raison de la taille du marché. «Il faudrait exporter en Europe, mais le marché est déjà plein et les Européens aussi veulent exporter ici», plaide le producteur d’origine suisse.
Lait diafiltré: les Libéraux ne font pas le travail !
Il déplore également que les Libéraux n’aient toujours pas réglé la question du lait diafiltré que les douaniers laissent passer à la frontière, en raison d’une simple formalité administrative. «Ils ne font pas le travail», tranche-t-il.