À peine l’investissement de 10 millions $ de la Caisse de dépôt et de placements du Québec (CDPQ) dans l’entreprise Pangea était-il annoncé qu’il faisait l’objet d’une levée de boucliers de la part de l’UPA et des syndicats de la relève agricole. Plusieurs voix se sont en effet élevées au cours des derniers jours et même des manifestations pacifiques se sont tenues pour dénoncer le fait que l’argent des Québécois serve à financer une entreprise qui a des impacts directs sur le phénomène de l’accaparement des terres.
Un modèle dénoncé depuis plusieurs années qui ferait en sorte de rendre encore plus difficile l’accès à la propriété pour les jeunes qui se lancent en agriculture. Même le ministre Laurent Lessard a déclaré en commission parlementaire que c’est un modèle qui sera «sous examen» s’il favorise la spéculation, contrevenant ainsi au modèle québécois qui est basé sur l’entreprise familiale et non pas sur de grands propriétaires comme dans les Prairies ou aux États-Unis.
Le 8 mai dernier, le ministre responsable de l’Agriculture s’est même rendu dans les bureaux de la CDPQ où il a pris part à une rencontre informelle. Il a pu poser certaines questions et obtenir des éclaircissements, mais il n’avait toujours pas pris d’engagements au lendemain de la rencontre.
En commission parlementaire, il avait pourtant laissé entendre qu’il pourrait bloquer le modèle PANGEA s’il s’écarte des valeurs chères à l’agriculture traditionnelle. S’il nous a été impossible de lui parler avant d’aller sous presse, étant donné qu’il était retenu par ses fonctions de ministre des Transports, en pleine gestion de crise à la suite des inondations, son attaché nous a donné un autre son de cloche en entrevue avec La Vie agricole.
«Il n’a pas le pouvoir de dicter à la Caisse comment investir et il ne pourrait pas s’ingérer. Il n’y aurait pas possibilité de bloquer, car la caisse est souveraine», a nuancé son attaché de presse Mathieu Gaudreault.
Il n’y a donc pas eu d’actions prises par le ministre à court terme pour s’assurer de conserver le modèle traditionnel, et rien ne laisse présager une intervention sous peu. «Il a toujours été favorable aux fermes familiales, avec plusieurs propriétaires, mais on n’est pas à l’abri des changements», a laissé entendre son attaché.
Un phénomène encore marginal?
S’il était considéré comme étant «marginal» au Québec, en 2013, par le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRAO), le phénomène de l’accaparement des terres préoccupe de plus en plus les agriculteurs.
Il faut dire qu’à cette époque, le recensement de 2011 indiquait que 84% des terres agricoles étaient occupées par leur exploitant. Mais qu’en sera-t-il avec PANGEA qui achète des terres au gros prix pour ensuite créer une société de gestion avec un producteur local qui n’en devient jamais propriétaire? D’autant plus que pour l’ensemble de la province, la valeur moyenne des terres en culture avait grimpé de 158% en cinq ans, l’automne dernier.
L’analyse du phénomène est d’ailleurs en cours depuis près de deux ans par la commission de l’Agriculture, des Pêcheries, de l’Énergie et des Ressources naturelles (CAPERN). «Les parlementaires étudient les impacts des actions et regardent la problématique de l’accaparement des terres dans son ensemble», a rappelé l’attaché de presse du ministre responsable de l’Agriculture.