NDLR : À sa demande, la ministre des Relations internationales et de la Francophonie du Québec, Christine St-Pierre, a été reçue par La Vie agricole dans ses bureaux sur la Grande Allée à Québec. Il a été essentiellement question de la nouvelle politique en matière de relations internationales. Retrouvez ici l’intégralité de l’entrevue.
Yannick Patelli : En tant qu’ancienne ministre de la Culture et maintenant ministre des Relations internationales, êtes-vous comblée par l’annonce de votre gouvernement d’un soutien de 113 millions de dollars à la culture québécoise et 100 millions pour renforcer l’action internationale du Québec ?
Christine St-Pierre : « Je pense que dans le domaine de la culture, le Québec a toujours été aux côtés des artistes et des créateurs. Ils contribuent à l’économie et au rayonnement du Québec. Pour ce qui est du ministère des Relations internationales, cette injection d’argent va nous permettre de nous développer davantage et d’aller vers de nouveaux endroits stratégiques et de nouveaux marchés. »
YP : Dans le communiqué joint à l’annonce de votre politique internationale, Philippe Couillard dit : « Nous proposons une vision qui ouvre le Québec sur le monde et offre de nouvelles occasions de partenariats » et vous, sur le Québec, vous dites : « ce qui est de sa compétence chez lui, l’est aussi à l’extérieur de ses frontières». Comment alors expliquer votre action à l’arrivée du parti libéral au pouvoir, il y a quelques années, de fermer certaines délégations ?
C.St-Pierre : « On a à certains endroits diminué la voilure. On a fermé à Moscou. On avait des enjeux budgétaires. Tous les ministères devaient faire de efforts. On a fait une analyse très très fine sans nuire aux intérêts du Québec. On a redéfini le tout dans un plus petit gabarit et on a maintenu notre vitesse de croisière et là on va l’accélérer.»
YP : Dans votre politique internationale, vous prônez la promotion de la mondialisation favorisant une croissance respectueuse des principes de développement durable. Mais, plusieurs producteurs craignent que mondialisation rime toujours en faveur d’une agriculture productiviste. Que leur dites-vous pour les rassurer ?
C.St-Pierre : « Je pense que si on regarde dans le domaine de l’agriculture, l’exportation est un domaine très important. Dans le domaine du porc par exemple on est capable de développer davantage notamment avec l’accord du Canada et de l’Union européenne. Les Québécois ont toujours été pour le libre-échange. Ici, on a un marché modeste et on a besoin d’exporter.»
YP : Mais que dites-vous à ceux qui disent trop de mondialisation tue certains secteurs? Il y a des craintes notamment dans le secteur du lait ! Quelle est votre position sur les traités internationaux et sentez-vous une fracture entre des producteurs protégés et d’autres qui ne se sentent pas protégés ?
C.St-Pierre : « Sur la question de la gestion de l’offre on a dit et répété qu’on est ferme. Ce n’est pas de la subvention la gestion de l’offre, c’est qu’on est capable de gérer notre surproduction. Vous avez fait d’ailleurs un article fort intéressant aujourd’hui qui démontre que les Américains ce n’est pas le Québec ni le Canada qui les empêche de produire. On n’est pas sur leur marché. Dans votre article il est dit que c’est un système qui marche bien et qui est équitable. Sur la question de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique, on regarde les statistiques et ça démontre que les États-Unis en profitent du libre-échange. Il y a 9 millions d’Américains qui se lèvent tous les matins et leur travail dépend du libre-échange. Il y a 35 états américains qui ont pour premier marché le Canada. Et si on additionne le nombre d’emplois aux États-Unis reliés au Canada et au Mexique, on est à 14 millions d’emplois. On se rapproche du 7 ou 8 à 10 % de la population active. Mais on a de la pédagogie à faire. On a des alliés sur le territoire américain. Il y a des gouverneurs qui comprennent très très bien. Il y a des endroits dans leurs états où l’on dépend du libre-échange. On est pas tout seul là-dedans.»
YP : Mais il y a des producteurs qui restent inquiets parce qu’il y a aussi des ennemis de la gestion de l’offre au Canada que ce soit Maxime Bernier ou Brian Mulroney ?
C.St-Pierre : « C’est-à-dire que nous notre position est claire. Elle est faite. On demande à être très proche de la négociation. C’est pour cela qu’on a nommé Raymond Bachand. On a quelqu’un de solide avec nous pour nous accompagner. Les Québécois ont toujours été en faveur du libre-échange. Nous, le Québec, on a sauvé le 1er accord Canada-États-Unis sous M. Mulroney justement parce qu’on y croyait et on y croit encore. Face à la réouverture de l’accord, il faut se retrousser les manches. C’est bien évident qu’on a des bonnes cartes dans la manche, car c’est bon aussi pour les Américains l’accord de libre-échange. M. Couillard et le premier ministre Trudeau vont travailler ensemble. Le président américain veut renégocier, mais on va réussir à avoir un accord qui va être bon autant pour les Américains, les Mexicains que pour nous.
YP : Vous expliquez le besoin d’augmenter la mobilité internationale des travailleurs. Manque-t-on d’échanges entre les producteurs Québécois et le reste du monde ? Que ferez-vous pour y remédier ?
C.St-Pierre : « J’ai pas de statistiques là-dessus, mais on manque de main d'œuvre agricole et de main-d’œuvre point. Il faut donner la chance à l’immigration d’aller voir ailleurs que sur l’île de Montréal, voir ce qu’ils peuvent faire. Mais la mobilité c’est aussi la reconnaissance des diplômes. On l’a déjà avec la France. On la veut aussi avec la Suisse, la Belgique, l’Italie et le Maroc. L’autre mobilité c’est la mobilité étudiante. On veut attirer davantage d’étudiants et les retenir. »
YP : Est-ce que cette mobilité peut s’appliquer au monde agricole à travers les ITA et les établissements similaires dans les autres provinces ?
C.St-Pierre : « Bien sûr, ça peut s’appliquer à tous les domaines. Par exemple on parle aussi dans notre politique internationale de coopération internationale et avec Olymel, Québec sans frontière et un autre organisme, on a fait un programme de formation au métier d’aviculteur pour les jeunes au Dakar. On a formé 120 jeunes aviculteurs. C’est intéressant, car c’est une formation très courte et un métier qui peut être très prometteur. Je les ai d’ailleurs bien fait rire, car comme fille d’agriculteur, je connais ça de l’œuf jusqu’à l’abattoir !»
Elle sourit quand nous suggérons qu’elle ferait alors une bonne ministre de l’agriculture.
YP : Dans votre caucus libéral il se dit quoi sur le rôle plus qu’influent de L’UPA sur l’agriculture. Stéphanie Vallée, Pierre Moreau, Stéphane Billette, Pierre Paradis disent tous parfois en public, parfois en privé, qu’il faut mettre fin au monopole syndical dans le monde agricole. Vous vous situez où sur cette question ?
C.St-Pierre : « Vous ne m’entendrez pas là-dessus, car ce n’est pas mon dossier. On ne peut pas vous dire ce qui se dit au caucus. Faudrait vous présenter pour venir au caucus et vous pourriez savoir ce qui se dit. Je ne répondrai pas là-dessus, mais c’est un bon essai». Elle rit.
YP : Jean Charest fiché à L’UPAC est-ce que ça vous inquiète pour l’image future du parti libéral ?
C.St-Pierre : « Il faut respecter nos institutions qui sont là pour faire ce travail-là. On ne s’ingérera pas dans ces choses-là. Il y a un travail qui est à faire par les autorités policières. Que les autorités policières fassent leur travail. On n’a pas à leur dicter quoi que ce soit. Moi ce qui m’attriste dans tout ça c’est cette campagne de salissage. On a mis en place la commission Charbonneau. On est le gouvernement qui a mis en place l’UPAC. Il y a des lois qui ont été adoptées pour changer le financement des partis politiques. Le directeur général des élections a fait son travail. Il a demandé à notre parti de remettre de l’argent. Il a demandé au parti québécois de remettre de l’argent. Il a demandé à la CAQ de remettre de l’argent. On a fait ce qu’on avait à faire. S’il y en a qui veulent refaire la commission Charbonneau parce qu’ils ne sont pas contents des conclusions c’est pas notre problème, mais nous ce qu’on a dit c’est que la Commission Charbonneau est arrivée avec des recommandations et qu’on a bien l’intention de mettre en place toutes les recommandations. On n’est pas rendu au bout, mais ça s’en vient. On a pris ce travail-là très au sérieux. Moi je ne renierai jamais ce qui s’est fait depuis 2007. Je ne renierai jamais mon premier ministre M.Charest. Je ne renierai jamais mon parti. Il a 150 ans et s’il y a parti progressiste qui a fait avancer le Québec, c’est bien le parti libéral du Québec. On peut bien discuter de toutes sortes d’affaires et essayer de faire une Commission Charbonneau 2.0, mais si il y a des gens qui ont des choses à dire, qu’ils aillent voir les autorités. Il y en a qui essayent d’ébranler ces institutions-là et on est dans une société de droit. Cela doit rester très étanche entre le politique et le judiciaire. »
YP : Est-ce que vous pensez qu’il y a des gens qui se sont rendu compte qu’ils sont plus puissants en dehors de la politique que dans la politique ?
C.Saint-Pierre : « Il y en a peut-être qui le souhaite, mais moi je fais confiance à l’intelligence des gens. J’ai été journaliste pendant 30 ans. J’ai toujours fais confiance à l’intelligence des gens et ils sont assez intelligents pour voir ces manœuvres-là. Je pense que lorsqu’il regarde notre taux de chômage, lorsqu’ils regardent notre équilibre budgétaire, les mesures qu’on met en place, les efforts qu’on met notamment sur le libre-échange. Les gens disent “wow, ils travaillent“. Le Plan Nord est en train de reprendre de la vigueur à cause des marchés des métaux. La stratégie maritime, l’économie bleue, c’est absolument extraordinaire et c’est ça notre nouvelle politique internationale, c’est la prospérité du Québec. C’est l’orientation numéro 1. Après ça c’est de faire la promotion de nos valeurs démocratiques et de nos valeurs d’égalité entre les hommes et les femmes. Et aussi faire la promotion de la créativité. Mais l’orientation numéro 1, c’est la prospérité du Québec. Pour faire la prospérité du Québec, on va ajouter du personnel sur le terrain, on va ouvrir de nouvelles représentations. On va également s’assurer que la place du Québec dans le monde soit reconnue et solide. Et on ouvre aussi un grand pan qui est celui de la diplomatie climatique. C’est aussi un gros défi. Il y a 50 ans Paul Gérin-Lajoie disait : “ Ce qui est de compétence chez nous est de compétence partout“. On est un des états fédérés le plus présents dans le monde. On a 28 bureaux dans 14 pays. On a bien l’intention de continuer sur la base des échanges économiques. Le commerce c’est numéro 1. C’est par là que ça passe. C’est comme ça qu’on a toujours fait et ça va continuer. Alors moi ces articles-là, m’attristent beaucoup, car me faire salir, moi qui ai toujours été droite. J’ai toujours fait les choses dans les règles. Me faire salir encore, j’aime pas ça. Mais qu’est-ce que vous voulez, il y en a qui aime ça lancer de la “bouette“ plutôt que de proposer des projets de société. Nous, on propose un projet de société!»