Un fossé immense créé par un silence coupable

Nous soupçonnions depuis longtemps qu’un immense fossé s’est créé au fil du temps entre le Québec qui vit de l’agriculture et l’ensemble de la société. La largeur de ce fossé est maintenant connue : d’après un sondage Léger, 80% des Québécois reconnaissent avoir une connaissance faible ou très faible de la réalité du monde agricole. 

Ce constat est désolant, mais pas étonnant. Désolant parce que l’ingrédient essentiel d’une politique bioalimentaire telle que celle que concocte présentement le MAPAQ à coup de conférences préparatoires est l’adhésion du public aux objectifs d’une telle politique et l’acceptation par ce même public des efforts requis. Mais, sans compréhension des enjeux, comment peut-il y avoir adhésion?

En même temps, comment s’étonner d’un tel fossé alors que, depuis des décennies, personne ne parle plus aux Québécois avec passion de la beauté de l’agriculture, du trésor sous nos pieds qu’elle représente et de l’importance pour un peuple de se nourrir lui-même dans toute la mesure du possible?

Bien sûr, l’agriculture fait régulièrement la manchette, mais c’est plus souvent qu’autrement pour un appel à l’aide, un cri de désespoir comme celui de cet agriculteur qui a déversé récemment du purin au siège social de l’UPA.  Ce n’est pas cela parler de l’agriculture semaine après semaine, avec conviction et persévérance, d’une façon qui donnent le goût d’en savoir plus plutôt que de passer vite à un autre sujet.

Qu’est-ce qui manque pour reconnecter le Québec avec son agriculture? On déplore souvent la faible place que les grands médias accordent au sujet et c’est douloureusement vrai. Mais, encore là, qui leur parle?  Les médias étant ce qu’ils sont, ils vont s’intéresser à un sujet si quelqu’un peut l’incarner, lui donner vie, le rendre attrayant, pas seulement une fois de temps en temps, mais à répétition, avec des messages simples.

C’est possible, car cela s’est déjà fait.  Au risque de passer pour un vieux radoteur, je veux bien sûr parler du règne de Jean Garon, mon ancien patron et l’inspirateur de l’Institut qui porte son nom. J’ai l’habitude de dire que le grand œuvre de Jean Garon n’a pas été le zonage agricole, mais la capacité qu’il a eu d’incarner l’agriculture et de convaincre les Québécois de son importance.  Il n’a pas réussi cela en se taisant, mais en parlant, parlant et parlant.

Où est le Jean Garon d’aujourd’hui?  Malheureusement, il n’y en a pas en vue et il n’y en aura peut-être plus jamais.  Cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien à faire. Il y a de nouveaux leaders qui émergent en dehors des canaux habituels, des sujets alimentaires qui interpellent les Québécois comme jamais et tout le potentiel des médias sociaux.

Le rôle que peuvent jouer les chefs de cuisine « médiatisés » comme Ricardo ou Dany Saint-Pierre est immense à la condition qu’ils aillent dans le champ. Des jeunes capables de brasser la cage comme Dominic Lamontagne, l’auteur de La ferme impossible attirent l’attention sur la nouvelle agriculture faite de produits du terroir, de circuits courts de commercialisation et de bio.

Enfin, aussi dérangeant soit-il, le sondage Léger nous donne des raisons d’espérer en montrant clairement que, si les Québécois avouent peu connaître la réalité agricole, cela ne veut pas dire qu’ils ne veulent pas en entendre parler. 

Il faut rompre le silence qui prévaut depuis trop longtemps entre le monde agricole et le reste du Québec et c’est ce à quoi l’Institut Jean-Garon veut s’attaquer au cours des prochains mois en alimentant par tous les moyens à sa disposition des débats ouverts sur les grands enjeux agroalimentaires de l’heure.  À suivre. 

 

 

 

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