NDLR : Sur une idée de La Vie agricole, il a été pensé d’initier un débat dans le monde agricole entre instituts, ce qui se traduit par cette première discussion entre L’institut économique de Montréal et l’institut Jean-Garon. Le premier sujet est :«La souveraineté alimentaire passe-t-elle par l’autosuffisance alimentaire d’un pays, d’une province ou par des accords internationaux assurant l’approvisionnement dudit pays/province ?». Longue vie à cette formule qui permet le véritable débat ! Découvrez ici la vision de L'Institut Jean-Garon
Définissons d’abord la souveraineté alimentaire comme étant la capacité d’un état d’adopter des lois et règlements visant à assurer la sécurité alimentaire de sa population, sécurité alimentaire dont l’autosuffisance la plus forte possible est une composante essentielle.
Or, selon nous, il ne faut pas moins de souveraineté alimentaire à l’heure des grands accords de libre-échange. Il en faut plus mais, surtout, il faut que cette souveraineté s’exerce de façon plus intelligente.
Depuis plus de trente-cinq ans, le vaste mouvement de mondialisation des marchés, amorcé à l’ère Reagan-Tatcher, a constamment grugé la souveraineté alimentaire des États. L’impact sur le commerce a été extraordinaire, ne serait-ce qu’au Québec où les exportations agro-alimentaires ont explosé pour atteindre 20 milliards de dollars l’an dernier. Mais, cela s’est fait à un coût humain, social et environnemental exorbitant.
Les dernières données de la FAO indiquent que 815 millions d’êtres humains souffrent de la faim, en hausse de 30 millions par rapport à l’an dernier, et 1 milliard 200 millions d’autres, s’ils mangent à leur faim, n’ont pas les nutriments nécessaires pour demeurer en santé.
Cette injustice alimentaire, car c’est de cela qu’il s’agit, n’est pas propre aux pays du sud. Elle sévit aussi près de chez-nous, dans les ‘’déserts alimentaires’’ que sont les quartiers pauvres des grandes villes et les villages sans épicerie. Les crises de l’obésité et du diabète en sont les manifestations les plus concrètes.
Trop ou pas assez d’état
Comment atténuer ces impacts? Ce n’est certainement pas en niant le rôle de l’État et en laissant au merveilleux marché la responsabilité de régler ces injustices. La preuve est faite depuis longtemps que la maximisation des profits, et non pas le bien public, est la finalité des grands conglomérats bioalimentaires que la démission des États a laissé se constituer.
Par ailleurs, nous reconnaissons que le Québec est le champion canadien de la réglementation tatillonne et des entraves corporatistes à l’exercice d’une saine liberté en agriculture, liberté porteuse de créativité, d’innovation et de prospérité.
Le documentaire La ferme et son État de l’artiste et humaniste Marc Séguin, présentement à l’affiche, expose très bien le dilemme que pose l’exercice de la souveraineté alimentaire entre trop et pas assez d’état. La gestion de l’offre y est présentée comme essentielle à la prospérité des campagnes mais étouffante par la façon dont elle est gérée par le monopole syndical. Pour sa part, le MAPAQ y apparaît comme un ‘’éteignoir de concupiscence’’ par son obsession du risque zéro qui tue dans l’œuf tout projet qui a le malheur de sortir des sentiers battus.
Nous croyons qu’il est temps d’ouvrir les fenêtres, de laisser entrer l’air frais de la jeunesse dans un monde agricole de plus en plus sclérosé, de ’’brasser’’ un peu plus comme le dit Jean Pronovost dans le documentaire. Pour cela, encore une fois, il ne faut pas moins d’État mais un État plus intelligent, où on réinvestit dans la compétence et l’innovation et où on aurait le courage de revoir les lois et règlements mis en place il y a quarante ans et qui, de toute évidence, ne sont plus adaptés à la réalité.
À défaut de cela, le discours prônant l’affaiblissement continu de la souveraineté alimentaire de l’état triomphera.