Le rapport Pronovost 10 ans: Que s’est-il vraiment passé depuis 2008 ?

Qui se souvient de cette commission, qui se souvient des recommandations, malheureusement pas beaucoup de monde et je m’inclus. Heureusement, il y a des personnes qui trouvent important de ramener ce rapport à l’avant-scène. Surprise ou stupeur, la très grande majorité de ces recommandations sont encore d’actualité, encore plus qu’en 2008. Il faut croire que ces auteurs étaient visionnaires et que leurs recommandations, si elles avaient été moindrement suivies, auraient permis à l’agriculture québécoise d’être en avance sur son temps.

Il est assez désarmant de relire les recommandations, elles semblent plus claires que lors de leur lecture en 2008. Que s’est-il passé depuis 2008? Beaucoup de choses. Il est intéressant de mettre en parallèle plusieurs événements et certaines recommandations du rapport Pronovost. Prenons simplement trois tendances actuelles : l’inflation des prix du foncier, le bio et le développement durable et les menaces sur la gestion de l’offre.

Le rapport met de l’avant certaines recommandations principalement dans les chapitres 11 et 12 afin de maintenir et développer le territoire agricole. Le rapport mentionne que plusieurs régions n’utilisent pas leur potentiel agricole en laissant une partie de leurs terres en friche, le développement de ces zones aurait pourtant un effet domino sur la surenchère des terres.

Une des approches fort intéressantes du rapport est de favoriser le développement d’activités de transformation agricole et connexe en milieu rural. Ce développement est souvent limité, ou impossible à cause du zonage vert. Plusieurs producteurs se laisseraient sûrement tenter par d’autres activités para-agricoles s’ils pouvaient le faire sur leur ferme. La difficulté ou l’impossibilité de le faire actuellement dirigent leur investissement vers un accroissement de leur ferme entraînant ainsi de la spéculation sur le foncier et sur les quotas.

Cette course vers l'expansion des fermes crée une dévitalisation du milieu rural. Si l’on pouvait diriger, comme le préconise le rapport, ces investissements, les ressources vers des projets périphériques à la production agricole, on aurait alors une revitalisation des campagnes.

INSERT : «Les grandes entreprises profitent actuellement largement de l’État et monopolisent une grande partie du budget de soutien à l’agriculture». – Yan Turmine

De plus, le rapport propose un cadre de soutien intéressant. En étant plafonné par ferme, celui-ci alimenterait moins la spéculation, qui souvent provient de grandes entreprises qui profitent actuellement largement de l’état et monopolisent une grande partie du budget de soutien à l’agriculture.

Le bio, le vert, le naturel sont des tendances qui sont là et qui grandissent. Oon n’a qu’à constater ce qui se passe chez nos voisins du sud. Le rapport Pronovost est assez ambitieux dans ses recommandations, il faut relire la recommandation 41. Plusieurs recommandations prévoyaient des mécanismes de soutien à ce virage vert. La reconnaissance accompagnée d'une stratégie permettant à divers modèles de production d’exister et de cohabiter est sûrement l’élément du rapport qui permettra de prendre le virage vert.

Le rapport reconnaît d’office l’importance des productions sous gestion de l’offre et l’utilité des plans conjoints, ce qui ne l’empêche pas de poser de sérieuses questions, notamment celle de la page 70 sur les quotas : « Au Canada et au Québec, c’est le régime du laisser-faire qui a prévalu. Il est impératif de considérer que les quotas ne sont pas la propriété exclusive des agriculteurs, mais un bien collectif mis à leur disposition pour favoriser le développement de l’agriculture. Il est important que des actions structurantes soient menées à l’égard des quotas, au nom de la pérennité de l’agriculture québécoise. On ne peut tout simplement pas refiler un tel fardeau à la relève et à ceux qui décident d’accroître leur niveau de production. À titre d’exemple, les transactions de quotas laitiers au Québec entre 2001 et 2006 ont atteint 1,52 milliard de dollars. Cela signifie que les acheteurs ont dû investir, souvent au moyen d’emprunts, sans rien ajouter à la valeur de la production agricole du Québec. »

C’est une remarque fondamentale, qui ne se veut pas destructrice du système de gestion de l’offre, mais plutôt un élément de réflexion pour son amélioration. N’oublions pas que pour une société l’aspect collectif de la gestion de l’offre est beaucoup plus facile à défendre contre les attaques intérieures et extérieures qu’un bien individuel.

Je ne peux que vous inviter à relire ce rapport, c’est rafraîchissant, encore en 2018.     

 

 

 

 

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