De toutes les recommandations du Rapport Pronovost, celle qui a fait bondir l'UPA, le Ministère de l'Agriculture et les médias dans les heures qui ont suivi sa publication, est la recommandation 47 qui propose d'abolir l'accréditation et la cotisation à un syndicat unique et de permettre aux agriculteurs de choisir le syndicat auquel ils veulent appartenir et cotiser. En un mot, l'abolition du monopole syndical permanent et irrévocable de l'UPA tel qu'il est inscrit dans la Loi sur les producteurs agricoles de 1972.
Étrangement, la question du monopole syndical, qu'on déclare ne pas être une priorité, a pris toute la place au détriment d'autres recommandations non moins importantes et novatrices, comme celles touchant le remplacement de l'ASRA par d'autres types de soutien et d'assurances moins axés sur les volumes de production, ou la démocratisation et l'ouverture des plans conjoints aux circuits courts et aux productions de niche, ou la décentralisation de la gestion des usages en zone agricole.
Il faut croire que la Commission Pronovost, suite aux représentations nombreuses qu'elle avait entendues, a eu raison de penser que ce monopole était la clé de voûte du système qui permettait à l'UPA d'exercer un contrôle absolu sur la mise en marché des produits agricoles, et, conséquemment, sur l'ensemble du secteur et du territoire agricole, et sur le ministère de l'agriculture lui-même, sans oublier les revenus astronomiques qui s'y rattachent. En d'autres mots, que le monopole syndical était la clé du pouvoir de l'UPA, un pouvoir qui n'a pas d'équivalent ici ni ailleurs, et qui a fait de l'UPA le plus gros lobby au Québec..
Pourtant, la recommandation 47 est somme toute modérée et équilibrée. Elle ne vise pas à détruire l'UPA, ni à priver les agriculteurs disséminés sur le territoire d'une force syndicale pour les protéger et les soutenir. La commission propose, pour le bénéfice d'une agriculture plurielle et une meilleure représentation de tous les agriculteurs, de redonner aux agriculteurs la liberté de choisir entre plusieurs associations accréditées tout en maintenant, pour des raisons d'efficacité et de rapport de force, l'obligation d'adhérer et de cotiser à l'une d'entre elles. Et elle propose des moyens simples pour mettre ce pluralisme syndical en place : le choix du syndicat se ferait tous les 5 ans, lors de l'inscription officielle comme producteur agricole, et c'est la Régie des marchés qui auraient la tâche d'accorder ou retirer l'accréditation d'un syndicat ainsi que de collecter et redistribuer la cotisation syndicale.
Cet entêtement de l'UPA, et conséquemment, ce refus des gouvernements de modifier la loi de 1972, ne peut s'expliquer que par une volonté de pouvoir qui est en train de faire rater à notre agriculture les virages requis pour faire face aux besoins d'aujourd'hui. Les monopoles sont rarement bons, et le Rapport Pronovost considère à juste titre que le monopole syndical est largement responsable du blocage qui paralyse la diversification de notre agriculture. Il est également un obstacle majeur à la nécessaire transition écologique du secteur agroalimentaire.
L'UPA (et les politiciens en général) continuent à défendre le monopole syndical comme s'il s'agissait d'une question de vie ou de mort pour l'UPA et le syndicalisme agricole. Or la recommandation 47 ne remet pas en question l'UPA comme syndicat, mais uniquement comme syndicat unique, obligatoire et permanent. C'est le monopole de l'UPA qui est en cause, non son statut de syndicat. L'UPA ne risque pas de disparaître de si tôt… mais son monopole a fait son temps.