La crise du lait est là… deux ans plus tard

« La crise du secteur laitier québécois annoncée il y a deux ans par les membres de l’Institut Jean-Garon est malheureusement à nos portes et ses conséquences risquent d’être catastrophiques tant sur les plans social et économique que pour l’occupation du territoire ».

Le porte-parole de l’Institut Jean-Garon, Simon Bégin, a voulu lancer un véritable cri d’alerte au moment où le prix du lait payé aux producteurs est en chute libre, faisant craindre de graves perturbations dans le plus important secteur de l’agriculture québécoise. « Faut-il attendre des déversements sauvages de lait, le blocage de routes ou des suicides comme en France il y a deux ans, pour que les médias généralistes et l’opinion publique s’émeuvent de cette situation », a déclaré M. Bégin.

Il y a deux ans, lorsque l’Institut Jean-Garon a parlé pour la première fois d’une crise appréhendée dans le lait[1], le prix payé aux producteurs oscillait autour de 0,70 $ le litre. Or, il vient de franchir la barre psychologique des 0,65 $ et rien n’indique la fin de cette descente.

Selon M. Bégin, la période actuelle est particulièrement critique pour la survie même du modèle laitier québécois basé sur la ferme familiale de taille moyenne et défendu, depuis 40 ans, par le système de la gestion de l’offre :

  • Les premières importations de fromages européens libres de droits viennent de commencer. Autorisées dans le cadre de l’accord de libre-échange Canada-Europe, elles atteindront à terme 17 700 tonnes par année et affecteront principalement le Québec, responsable de 60% de la production de fromages fins au Canada. La demande de lait diminuera inévitablement et, avec elle, le prix payé aux producteurs;
  • Les importations de lait diafiltré américain, à l’origine de la crise il y a deux ans, se poursuivent de plus belle, mais sous un autre nom comme substances laitières modifiées ou protéines laitières.  Les producteurs avaient pourtant accepté une baisse du prix de certaines catégories de lait en retour d’une renonciation à ces importations par les grandes usines laitières;
  • La pression américaine pour des concessions dans le domaine de lait est plus forte que jamais, appuyée par la menace de sanctions sur les importations de fer et d’aluminium. Malgré la volonté affichée du gouvernement canadien de défendre la gestion de l’offre bec et ongles, il est clair qu’elle est sur la table des négociations.

Selon M. Bégin, la situation actuelle est d’autant plus cruelle qu’elle suit une brève période d’euphorie qui a vu les responsables du secteur laitier canadien «ouvrir la machine » en grand sur la base d’une augmentation de la demande.

La Commission canadienne du lait a accordé une augmentation de 5 % des quotas de production avant de donner récemment un coup de frein de 1,5 %.

« Le désarroi est palpable dans le champ où plusieurs producteurs, appuyés par les banques, les industriels et même leurs leaders, ont investi massivement dans de nouvelles installations. », soutient Simon Bégin.

Des questions difficiles, mais essentielles se posent :

  • Comment expliquer le silence de la Fédération des producteurs de lait face à cette crise ?
  • À 0,60 $ le litre ou moins et alors que de plus en plus de producteurs se posent eux-mêmes la question, le système de la gestion de l’offre censée protéger leurs revenus peut-il survivre ?
  • La présente chute du prix du lait payé aux producteurs est-elle voulue justement pour préparer le terrain à son abandon sur la table de la renégociation de l’ALENA?

L’Institut Jean-Garon qui a dans sa mission la défense de la ferme familiale a l’intention de chercher une réponse à ces questions avec les producteurs qui refuseront de mourir en silence.


[1] Le livre « Une crise agricole au Québec – Vers la fin de la ferme laitière traditionnelle » a été publié en 2016 par trois membres de l’Institut Jean-Garon, Simon Bégin, Yan Turmine et Yannick Patelli, et préfacé par le président fondateur de l’Institut, M. Jean Pronovost.  Co-édition VLB Éditeur et La Vie agricole

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