En 2017, la Caisse de dépôt et placement du Québec et le Fonds de solidarité FTQ ont investi 20 millions de dollars dans la société Pangea, société d'investissements dont le but est d’acquérir des terres agricoles tout en partageant selon une formule particulière des actifs avec des agriculteurs.
Bien que la création de Pangea date déjà depuis 2012, il n’en demeure pas moins que les inquiétudes face à ce modèle de développement agricole persistent dans les régions du Québec. Quant à moi, elles persisteront tant qu’on n’aura pas clairement établi les forces et faiblesses ainsi que les avantages et les inconvénients de ce récent modèle d’investissement.
Pour certains comme l’UPA, ce modèle d’affaires s’apparente à un système féodal ; d’après cette dernière, il tue l’entrepreneuriat et nuit aux entreprises familiales. Pour d’autres comme mois, le modèles de Pangea est une réelle bouffée d'oxygène permettant au capital détenu par les Québécois de servir les agriculteurs d’ici en diminuant leur endettement et en favorisant une plus grande accessibilité des terres agricoles à des jeunes.
Le moment d’une élection générale comme celle de l’automne prochain m’apparaît une occasion unique et propice à chacun des partis politiques pour exprimer, haut et fort, le modèle de développement d’affaires qu’un gouvernement doit privilégier pour l’acquisition des terres par des non agricoles et ce qu’il entend mettre de l’avant comme politiques et programmes d’accompagnement de la relève agricole.
D’ici la prochaine élection générale, nous devons savoir de chacun des partis politiques leur position concernant la relève agricole et ce qu’ils entendent mettre de l’avant comme modèle d’acquisition des terres par des non agricoles. À mon avis, cela nous permettra également de savoir ce que chacun privilégie comme politique d’occupation du territoire et comme maintien et renforcement du patrimoine agricole.
Pourquoi est-il si important que chacun le fasse avant le 1er octobre prochain?
Le rapport Cirano de 2013 «Acquisition des terres agricoles par des non agriculteurs au Québec» de Jean-Philippe Meloche et Guy Debailleul constitue, à mon avis, un outil incontournable dans la réflexion sur le modèle à privilégier. En effet, les auteurs indiquent à la page 54 de leur rapport ce qui suit: «bien que le problème d’accès aux terres agricoles pour la relève demeure entier, avec ou sans investisseurs, il est possible que des projets d’investissement aient un impact positif pour la relève. Plusieurs entreprises d’investissement affichent d’ailleurs une certaine sensibilité au problème. Il n’est donc pas clair que la présence d’investisseurs sur le marché des terres agricoles représente nécessairement un facteur négatif pour la relève. Le contraire pourrait tout aussi bien être vrai. Tout cela reste à démontrer.»
Tout récemment le ministre de l'Agriculture, Laurent Lessard, a déclaré que ce modèle de développement agricole ne constituait pas, à ses yeux, un enjeu électoral. Permettez-moi, monsieur le ministre, de douter qu’il n’en soit pas un. Une des raisons de mon doute est à l’effet que vous admettiez dernièrement vous être penché sur la question. Pourquoi le ministre admet-il lui avoir accordé un temps de réflexion s’il n’est pas un enjeu et pourquoi s’est-il engagé publiquement à partager son analyse avant la prochaine campagne électorale?
D’ici le 1er octobre prochain, il lui reste peu de temps pour s’exécuter et dire publiquement les raisons pour lesquelles l’UPA ne devrait pas s’inquiéter de ce modèle et pourquoi les agriculteurs d’ici, notamment les plus jeunes, ne devraient pas craindre l’acquisition des terres par Pangea ou par tout autre investisseur non agricole. Il ne doit pas être le seul à s’exprimer sur ce sujet!
La relève est en droit de connaître rapidement la vision du ministre de l’Agriculture mais également celle de tous les partis politiques sur le modèle de développement mis de l’avant par Pangea. Je me suis fait un devoir de consulter les sites Internet de chaque parti politique et à examiner le traitement de ce sujet. À ce jour, les plateformes de chaque parti sont peu explicites voire pas explicites, sur le transfert des terres agricoles et sur les moyens pour l’assurer adéquatement, et ce, avec ou sans le modèle Pangea. Est-ce que ce sujet fort important pour la relève va être traité avant ou pendant la période électorale ou, comme tant d’autres enjeux, être relégué aux oubliettes?
À nouveau, je souhaite que mes craintes sur les promesses des politiciens, dont celle du ministre Lessard, s’avèrent non fondées. Comme le chantait Félix Leclerc, qu’au lendemain de l’élection, ils n’aient oublié ton nom ni pourquoi ils t’invitaient la veille à voter pour eux!