Malgré le rebond du prix, le stress financier accable plusieurs producteurs laitiers

Même si le prix de mai payé à la ferme est établi à 66,93$/hectolitre, il n’en demeure pas moins que le stress financier a monté d’un cran au début juin chez plusieurs producteurs laitiers. Le téléphone rouge sonne dans les bureaux de leurs fournisseurs et institutions financières. Financement agricole Canada et la Banque Nationale ne s’inquiètent pas outre-mesure de la situation et promettent un accompagnement personnalisé à ceux et celles qui en auront besoin.

Par respect pour le courage que certains ont eu en acceptant de nous parler de leur réalité, la Vie agricole a choisi de leur accorder l’anonymat. « Je ne serai pas capable de payer tous mes fournisseurs, ma marge de crédit est au maximum. Je recalcule ma capacité de remboursement à la baisse », disait la semaine dernière l’un d’eux, un producteur de 40 ans qui a acheté la ferme de ses parents en 2011. Il constate que dans sa région des Laurentides, trois jeunes producteurs laitiers ont lancé la serviette ou s’apprêtent à le faire.

« On a de la difficulté à rencontrer les paiements à faire aux fournisseurs. On va devoir réorganiser les marges de crédit », avouait aussi de son côté, une productrice de la Montérégie ouest.  Elle ajoutait que « chez nous, on performe. Mon institution financière est très ouverte parce que la productivité est là, sauf les liquidités. Je ne sais pas combien de temps je peux durer ainsi. »  Dans sa région, deux producteurs laitiers réduisent leurs troupeaux, soit parce qu’ils ne sont pas capables de faire face à leurs obligations, soit parce qu’ils n’ont pas confiance en l’avenir.

Un autre producteur laitier commentait : « un fournisseur m’a raconté que les ventes de machineries ralentissent.  Moi c’est certain, je ne changerai pas de tracteur, même si j’en aurais besoin d’un neuf. »

30% des fermes en stress financier

Ce sont principalement les fermes moyennes, comptant entre 50 à 80 vaches en lactation qui sont les plus affectées. Selon des données de Statistique Canada, recueillies en 2015, 30% des fermes au Québec seraient en stress financier. Le prix du lait/hectolitre reçu par le producteur a fluctué de 76 $ à 67$ entre 2013 et 2017. Et la production de lait moyenne par ferme, elle, est passée de 4867,7 à 6130,4  hectolitres selon une source du Centre canadien d’information laitière (CCIL).  

La dette par ferme aurait toutefois grimpé de 192,7$ à 287,7$/hectolitre, représentant une hausse de 49% entre 2013 et 2017. Le revenu agricole net comptant des fermes laitières aurait chuté de 117,991$ à 105,530$ en moyenne par ferme pendant la même période.

Situation encore sous contrôle

La Vie agricole s’est tournée vers les institutions financières pour voir comment elles évaluent la situation.

« Ils nous disent que c’est plus serré. Il y a beaucoup de pessimisme. On suit çà de près, mais le système est encore bon, pour l’instant la situation est sous contrôle », évalue Patrick Lemelin, vice-président Agriculture, à la Banque nationale du Canada (BNC).

Vincent Giard, vice-président, Opérations Québec, de Financement agricole Canada, ne cache pas qu’il est préoccupé. Il suivra avec attention le prix du lait des prochains mois.

« Les plus vulnérables sont les fermes qui ne sont pas diversifiées, de taille plus petite et dont l’endettement est élevé. Les plus grandes fermes qui viennent de construire de nouveaux actifs sont aussi à risque, parce que leur performance n’est pas optimale, due au stress de l’adaptation des animaux à leur nouvel environnement. Mais elles peuvent mieux absorber le choc financier qu’une petite ferme.(…) Il est encore un peu tôt, faut voir à l’usage ce que produira la baisse du prix du lait », ajoute-t-il.

Analyse au cas par cas

« On va s’ajuster avec les décisions prises par les associations de producteurs. On va composer avec. On accompagne nos clients, on s’est mis en mode pro-actif, », précise Vincent Giard.

Le vice-président de Financement agricole Canada suggère d’ailleurs aux producteurs de lait de ne pas attendre pour s’asseoir avec leur conseiller financier pour « chiffrer, définir et appliquer des solutions et faire un suivi », afin de mieux voir venir.

À la Banque Nationale, on est relativement confiant, malgré l’actuel contexte politique et financier déstabilisant.

« On encourage nos clients à améliorer leur productivité plus vite et à travailler leur volume de lait. À notre avis, le scénario catastrophe est peu probable. Mais y aura-t-il des modifications à la gestion de l ‘offre? Une chose est certaine il n’y aura pas de statu quo », estime de son côté Patrick Lemelin.

Quoique sollicitée à plusieurs reprises, Desjardins a refusé de répondre à nos questions. « Après discussion avec les experts, nous ne commenterons pas le dossier de la baisse du prix du lait payé aux producteurs laitiers », a répondu la porte-parole Chantal Corbeil.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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