La collaboration de Mathieu Bock-Côté pour plusieurs chroniques à La Vie agricole m’ a donné l’occasion de quelques dîners au Cherrier à Montréal avec lui au cours duquel il m’a fait part de son intérêt pour la France, sa politique et son histoire. Et s’il est bien un personnage qui le passionne, c’est le général de Gaulle. Lors de son passage à Québec au Cercle de la Garnison le 13 mars dernier, c’était le sujet de sa conférence. Alors oui, c’est un peu loin des sujets agricoles, mais je ne peux m’empêcher de témoigner du charisme de Mathieu Bock-Côté surtout lorsqu’il chausse les bottines d’un conférencier historien. Le général de Gaulle est dans ses tripes et jamais loin de son imaginaire.
Après une brève présentation par Alexandre Provencher-Gravel du Cercle du Savoir, qui a rappelé ( faisant référence à son dernier passage à Québec) qu’il serait moins évident de l’entarter que dans une librairie de la rue Cartier, Mathieu Bock-Côté a entamé une heure de passion avec le général de Gaulle et le vingtième siècle en filigrane.
De Gaulle, le dernier rempart d’une civilisation qui disparait!
Et il a mieux que n’importe quel français charmé son auditoire en nous promenant dans la vie du général et dans la vie politique française de la fin du 20e siècle.
« de Gaulle est un homme politique habité par la passion patriotique» rappellera Bock-Côté. On comprend alors très vite ce qui le lie à cette grande figure historique.
« Quand de Gaulle meurt, c’est le dernier rempart d’une civilisation qui disparait», précise Mathieu Bock-Côté dans un élan de jouissance verbale.
Il fera un rappel historique date par date avant de décrypter le sens profond des actions du général de Gaulle.
1932 : Avec la publication de son livre, le fil de l’épée, de Gaulle théorise à l’avance son leadership et son action dans l’histoire.
Le 18 juin 1940 : Avec l’appel à la résistance, de Gaulle symbolise pour Mathieu Bock-Côté, la politique qui se repense comme une politique improbable.
1946 : Le Général quitte le pouvoir persuadé qu’on le rappellera sous peu. Dans les faits cela prendra 12 ans. Bock-Côté parle de cette traversée du désert comme d’une certitude du destin et fait l’éloge de cette endurance absolue.
1954 : La publication du premier morceau de ses mémoires de guerre
1958 : Le retour de Charles de Gaulle aux affaires, ce que Bock-Côté appelle l’art du retour qui amènera aussi la 5e constitution en France
1962 : L’indépendance algérienne. Bock-Côté dira : « Il sacrifie l’Algérie pour éviter de lutter contre l’inéluctable et épouser l’esprit de son temps».
1967 : Le fameux 24 juillet au balcon de la mairie de Montréal et le célèbre : « Vive le Québec libre».
Pour Mathieu Bock-Côté, de Gaulle a compris que l’époque est marquée par la guerre froide et les grands pôles à l’ouest et à l’est et il estime qu’il faut redonner un sens à la patrie !
La nation au cœur des politiques
Pour Bock-Côté, de Gaulle, en appelant au Québec libre, paye ainsi deux siècles de dette que la France aurait eue avec le Québec et affirme ainsi l’importance des peuples et des patries parce que « de Gaulle pense que les nations restent le cœur des politiques».
D’ailleurs Bock-Côté dira que si de Gaulle croyait en l’Europe, il défendait une Europe respectueuse des nations.
Pour Bock-Côté ce qui fait de Charles de Gaulle un homme hors du commun c’est qu’il démontrera, qu’à certains moments, il est possible de réveiller la conscience collective pour transformer une masse en peuple.
Il assure aussi qu’un chef est un grand rebelle, comme le croyait de Gaulle, lorsque celui-ci sait faire preuve d’indiscipline. C’est d’ailleurs ce qu’il fera lors de l’appel du 18 juin 40.
Porter la grandeur de sa politique
Pour Bock-Côté il n’y a rien de plus décevant qu’un chef qui dirait aujourd’hui, je suis votre partenaire, il faut se situer au-delà et porter la grandeur de sa politique.
«Je préfère élire un homme qui se dit exceptionnel et qui nous déçoive qu’un homme qui se dit normal et qui s’avèrera médiocre. La pire manière de faire de la politique est de s’abaisser à être normal» de conclure Bock-Côté.
On comprend au fil de sa conférence pourquoi un tel grand homme passionne, Bock-Côté, lui qui attend la venue d’un tel Général qui saurait parler au peuple québécois.
Se songerait-il peut-être parfois dans la peau de ce géant politique qui a su parler à ses troupes et à son peuple ?