Selon une nouvelle étude de l’Université McGill, le glyphosate, herbicide très répandu, pourrait avoir un effet jusqu’à présent insoupçonné sur l’environnement. Initialement commercialisé sous la marque Roundup de Monsanto, le glyphosate a fait l’objet d’un examen attentif par le passé, essentiellement en raison de sa toxicité potentielle. Or, les auteurs d’une étude publiée récemment dans la revue Frontiers in Ecology and the Environment, de l’Ecological Society of America, s’intéressent non pas aux éventuels effets directs de cet herbicide sur la santé, mais plutôt à un effet largement négligé jusqu’à maintenant: l’augmentation des niveaux de phosphore dans l’environnement.
« Personne ne s’était encore véritablement soucié de l’effet du glyphosate sur les apports en phosphore dans les zones agricoles, fort probablement parce que les pesticides ont toujours été considérés comme une source négligeable de nutriments », fait observer MariePier Hébert, auteure principale de l’étude et doctorante au Département de biologie de l’Université McGill.
Fertilisées pendant des dizaines d’années au moyen d’engrais phosphatés, de nombreuses terres agricoles sont aujourd’hui saturées en phosphore et ne peuvent que partiellement retenir cet élément nutritif. Tout apport excédant risque donc de se retrouver dans les milieux aquatiques, où il peut stimuler la prolifération des algues, altérer la qualité de l’eau potable, puis causer la désoxygénation de l’eau et la mort des poissons.
La réglementation actuelle visant à limiter la pollution phosphorée porte essentiellement sur ce qui demeure à ce jour la principale source artificielle de phosphore : les engrais. Le glyphosate contient relativement peu de phosphore, mais on l’utilise de plus en plus dans le monde, soit 15 fois plus qu’il y a à peine 20 ans. Les apports s’additionnant, le phosphore provenant de l’application du glyphosate atteint aujourd’hui des niveaux comparables à ceux provenant d’autres sources qui ont déjà retenu l’attention des organismes de réglementation, notamment les détergents dans les années 1970.
« Dans notre étude, nous avançons que cette soudaine popularité du glyphosate a amplifié son importance par rapport à d’autres sources de phosphore anthropique, surtout dans les zones de culture intensive du maïs, du soya et du coton génétiquement modifiés pour résister au glyphosate », explique la chercheuse.
À partir des données provenant notamment de la US Geological Survey et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, l’équipe de McGill – MariePier Hébert, Vincent Fugère et Andrew Gonzalez – a calculé l’apport relatif du glyphosate et des engrais à la quantité totale de phosphore épandue sur les terres agricoles des ÉtatsUnis et d’autres régions du monde. Elle a également examiné d’autres études afin de mieux comprendre comment le glyphosate faisait augmenter le lot de phosphore dans le sol et les milieux aquatiques.
Leur conclusion : on ne peut plus ignorer le glyphosate. C’est une source de phosphore à surveiller de près dans les zones où cet herbicide fait l’objet d’une utilisation intensive, particulièrement si les sols sont déjà saturés en phosphore.
« À l’heure où le tonnage de glyphosate épandu ne cesse d’augmenter dans le monde et où les cultures génétiquement modifiées résistantes à cet herbicide se multiplient dans de nombreux pays, nous devons impérativement nous intéresser davantage aux effets multiples de ce produit sur l’environnement », plaide MariePier Hébert.