Alors que l’agriculture biologique est vénérée comme la solution à l’agriculture dite industrielle, certaines personnes alertent la population sur le danger du sulfate de cuivre, largement utilisé en culture biologique, et selon eux possiblement plus dangereux que le glyphosate.
Andrew Poterfiled, éditeur et consultant pour des entreprises, des organismes sans but lucratif et des universitaires des sciences de la vie dans la région du grand Los Angeles aux États-Unis vient de publier un article dans lequel il prétend que le sulfate de cuivre, utilisé par les agriculteurs biologiques et conventionnels, fait l'objet de campagnes de réautorisation en Europe et qu’il est bien plus toxique que le glyphosate !
Poterfield souligne dans son article du 6 avril dernier que «l'autorisation de mise en marché et d'utilisation des produits phytosanitaires à base de cuivre a été prolongée pour un an, jusqu'au 31 janvier 2019, par le règlement d’exécution (UE) 2018/84 de la Commission du 19 janvier 2018 modifiant le règlement d'exécution (UE) no 540/2011 .»
Plus dangereux que le glyphosate ?
Si le glyphosate fait grand débat des deux côtés de l’Atlantique, il semble que la réutilisation du sulfate de cuivre en Europe, utilisé par le secteur bio, soit passée un peu sous silence. Poterfield qualifie le sulfate de cuivre de «fongicide populaire qui a un profil bien plus toxique que le glyphosate».
Andrew Poterfield avait déjà écrit en 2016 : «Bien qu'aucun pesticide ne soit tout à fait anodin, les produits biologiques ne sont pas nécessairement moins dangereux que leurs homologues conventionnels. Ils ne sont pas non plus sans pesticides. Le sulfate de cuivre est l'un des nombreux pesticides approuvés au titre du USDA National Organic Program et nombre d'études montrent qu'il présente une toxicité importante pour les humains et l'environnement.Par exemple, il est toxique pour les abeilles quand il est utilisé comme fongicide et une étude brésilienne a montré une toxicité extrême pour les abeilles en milieu tropical.»
En juin 2018, le quotidien français Libération sortait un article rappelant lui aussi que l’agriculture biologique utilise des pesticides comme le cuivre dans les vignes ou les cultures maraîchères.
Si selon L’ EFSA, dès 2018, le cuivre était bien le pesticide déclaré comme le plus présent sur les aliments biologiques, il ne figurait toutefois pas sur la liste des substances susceptibles de provoquer le cancer par le Centre international de recherche sur le cancer. On précisait quand même qu’il était recommandé aux agriculteurs de porter des équipements de protection lors de l’application.
Le journal Libération précisait aussi dans son article «qu’une surexposition chronique peut entraîner des accumulations dans le foie et les reins, selon la base de données agritox de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail)» et que « Certains pays, comme le Danemark ou la Hollande, interdisent les pesticides à base de cuivre sur leur territoire. Leurs raisons sont principalement écologiques (risque d’accumulation dans les sols, risque pour les organismes non cibles) mais aussi de santé, pour les Pays-Bas, qui considèrent que ‘’le risque pour les travailleurs ne peut être exclu’’».
Les dangers du sulfate de cuivre: que disent les agences européennes ?
L’Autorité européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) et l'Agence européenne des Produits chimiques (EChA) ont conclu à des risques avec le sulfate de cuivre pour les agriculteurs, les oiseaux, les mammifères et les organismes du sol. Mais l'autorisation pour l'utilisation du sulfate de cuivre a été au final autorisée dans l'Union européenne pour contrer les bactéries et les champignons dans les cultures.
Selon l'Agence européenne des Produits chiniques (EChA), le sulfate de cuivre « est très toxique pour la vie aquatique, avec des effets durables, peut provoquer le cancer, peut nuire à la fertilité ou à l'enfant à naître, (…) peut causer des dommages aux organes à la suite d'une exposition prolongée ou répétée. »
Quelle place pour le sulfate de cuivre dans l’agriculture bio canadienne ?
Puisque plusieurs sources semblent considérer le sulfate de cuivre, fortement utilisé dans l’agriculture biologique, comme plus nocif que le glyphosate, La Vie agricole a interrogé l’ACIA ( Agence canadienne de l’Inspection des Aliments) pour en savoir plus sur son utilisation au Canada.
L’ACIA nous a répondu par courriel: «Le sulfate de cuivre est indiqué dans la norme biologique du Canada en tant que substance permise dans la production biologique.»
Il nous a aussi été précisé par l’ACIA que dans la production végétale,« le sulfate de cuivre peut être utilisé à plusieurs fins : «pour corriger une carence en cuivre documentée dans le sol, en tant qu’agent de conservation du bois, comme fongicide pour le traitement des fruits et des légumes, pour lutter contre les maladies.»
Toutefois, il est recommandé, pour tous les usages, de faire preuve de prudence afin de ne pas donner lieu à une accumulation excessive de cuivre dans le sol, de spécifier la note de l’ACIA.
Des contrôles qui impliquent les consommateur
L'ACIA précise dans sa réponse faite à La Vie agricole que l'Office des normes générales du Canada(ONGC) dirige l'élaboration des normes biologiques du Canada et que ces normes font l'objet d'un examen quinquennal. «L'ONGC met sur pied le Comité de normes sur l'agriculture biologique, formé d'experts techniques qui représentent les intérêts des consommateurs, des producteurs et du grand public,ainsi que des groupes de réglementation. Ses élections se fondent sur le consensus et il respecte le processus d'établissement des normes prévu par L'ONGC.»
Degré de dangerosité du sulfate de cuivre ?
Questionnée sur le degré de dangerosité du sulfate de cuivre versus le glyphosate, L’ACIA reste floue et retourne la question vers l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire.
«Les normes nationales du Canada visant l'agriculture biologique, y compris les listes de substances permises sont le fruit du consensus du comité technique et le comité fonde son consensus sur les sciences, la technologie, la réglementation actuelle et l'exprérience. En ce qui concerne l'utilisation du sulfate de cuivre en tant que pesticide au Canada, vous pouvez communiquer avec l'Agence de réglementation de la lutre antiparasitaire, qui est responsable d'enregistrer les pesticides et d'évaluer les risques qu'ils posent.», de conclure l'ACIA.
Au Canada, on se baigne aussi dans le sulfate de cuivre
Le gouvernement du Canada dans ses pages-conseils à la population invite les Canadiens à utiliser le sulfate de cuivre pour nettoyer leurs piscines. On peut y lire : «Les algicides à base de sulfate de cuivre pour piscines servent à : éliminer les algues, améliorer la qualité de l’eau, réduire la quantité de produits à base de chlore ou de brome nécessaire». La note précise : «Il est important d’utiliser des désinfectants à base de chlore ou de brome avec les produits à base de sulfate de cuivre, pour protéger les baigneurs».