«Le regard sceptique que jette le public sur le monde professionnel est malheureusement régulièrement alimenté par des événements malheureux impliquant des professionnels : la commission Charbonneau a porté un constat très sévère sur les pratiques de plusieurs ingénieurs et par ricochet sur l’ensemble du monde professionnel. La perte d’indépendance professionnelle et le conflit d’intérêts sont préoccupants. La situation traditionnelle où le professionnel est un travailleur autonome qui rend des services en échange d’honoraires est de moins en moins fréquente», déclare l’Ordre des agronomes du Québec (OAQ) dans un rapport du comité sur l’indépendance professionnelle qui dit s’être penché sur la question du conflit d’intérêts dès le début des années 2000. Évidemment la récente Commission sur les pesticides à l’assemblée nationale l’automne dernier a remis le sujet des pesticides en avant-plan.
«Notre société interpelle les agronomes et les questionne sur tous les aspects de leur travail. Nos concitoyens sont de plus en plus sensibles aux enjeux touchant l’environnement, la santé, la qualité de l’eau et l’innocuité des aliments. Ces questions sont d’autant plus importantes que le retrait de l’État de plusieurs secteurs d’activités entraine une perte d’expertise qui touche l’ensemble de ses services à la société», d’expliquer le rapport de l’OAQ.
Comme le rappelle le rapport de L’OAQ : «La révision du Code de gestion des pesticides associée à l’obligation d’obtenir une prescription agronomique pour obtenir l’autorisation d’achat de certains pesticides a remis à l’ordre du jour le débat sur le conflit d’intérêts et l’indépendance professionnelle au sein de l’Ordre». L’Ordre des agronomes explique alors avoir procédé à une collecte d’informations avec la firme de sondage SOM sur le facteur le plus souvent associé au conflit d’intérêts : la rémunération.
«L’enquête a démontré que, comme dans plusieurs autres secteurs d’emploi, la rémunération variable est présente dans l’ensemble du secteur de la vente de services, de la vente de produits et services et dans le financement agricole. Selon l’entreprise et le régime de rémunération variable retenu, la part de celui-ci varie de 1,5 % à 30 % du salaire total. Elle présente diverses formes : augmentation de salaire au mérite ; combinaison salaire-prime ; combinaison salaire-commission. Une seule entreprise parmi celles interviewées a confirmé rémunérer des agronomes sur une base de commission uniquement», selon le rapport.
Par contre, « L’enquête sur la rémunération des agronomes ne nous a pas permis de déterminer si certaines entreprises utilisaient les concours de vente ou encore si certains agronomes recevaient des ristournes», de préciser l’Ordre des agronomes».
Par la suite pour analyser les données recueillies lors de l’enquête sur la rémunération des agronomes et les situations de conflits d’intérêts évoquées par la société ainsi qu’une partie des membres et des partenaires de l’Ordre, son conseil d’administration a mis sur pied le Comité sur l’indépendance professionnelle.
L’Ordre des agronomes rappelle que le code de déontologie des agronomes établit un ensemble des règles et des devoirs régissant la profession d’agronome. «Comme les règles de droit, les règles déontologiques doivent s’appliquer de manière identique à tous les membres de l’Ordre, et ce, dans toutes les situations de la pratique. Pour atteindre cet objectif et en faciliter son utilisation au quotidien, un guide d’application et d’interprétation devrait être mis à la disposition des agronomes».
«Lors de son inscription ou réinscription au tableau des membres, l’agronome devrait déclarer le mode de rémunération appliqué par son employeur. Cette déclaration permettra de prioriser l’inspection des agronomes annonçant un mode de rémunération qui serait susceptible de présenter un risque pour l’indépendance de l’agronome ou de le placer en situation de conflit d’intérêts» spécifie le rapport de l’OAQ parce que «La mission première de l’Ordre des agronomes est la protection du public».
Pour plus de transparence l’Ordre des agronomes détaille alors plusieurs recommandations au conseil d’administration de l’Ordre :
1. Que tous les actes agronomiques se distinguent en tout temps des actes de vente de produits ou de services.
2. Que tous les actes agronomiques soient traçables, et ce de la facturation jusqu’au dossier du client.
3. Que tous les actes agronomiques soient justifiés et imputables.
4. Que le dossier de chaque client documente et justifie tous les gestes professionnels et permette de faire le lien avec la facturation de ces gestes.
5. Qu’une déclaration d’intérêts de l’agronome soit incluse dans le mandat professionnel conclu avec chaque client. Cette déclaration doit permettre au client de comprendre et accepter les modalités de la rémunération de l’agronome.
6. Que soient proscrits les modes de rémunération dépendants de la vente de produits.
7. Que soient notamment proscrits tous les modes de rémunération variable en lien direct avec un volume de vente, un produit ou éventail de produits spécifiques.
8. Que soient proscrits les modes suivants de rémunération : rémunération à la commission, ristourne, concours de vente.
9. Que soient proscrits tous les cadeaux qui ne sont pas de valeurs modestes.
10. Que le code de déontologie des agronomes soit doté d’un guide d’interprétation et d’outil d’aide à la décision.
11. Que chaque membre de l’Ordre des agronomes soit tenu de déclarer annuellement le mode de rémunération appliqué par son employeur. Cette déclaration sera incluse lors de l’inscription annuelle au tableau des membres de l’Ordre.
12. Que l’inspection professionnelle ajoute à ses critères d’inspection la traçabilité des recommandations de la facture au dossier du client.
13. Que l’inspection professionnelle vérifie la présence dans chaque dossier de client de la divulgation d’intérêts (rémunération, rémunération variable) faite auprès de clients ou des clients de son employeur.
14. Que tous les agronomes actifs inscrits au tableau des membres soient tenus de suivre une formation en éthique et déontologie tous les deux (2) ans.
15. Que l’Ordre des agronomes entreprenne des démarches auprès des employeurs afin de les inciter à éliminer certaines modes de rémunération plaçant les agronomes en situation de conflit d’intérêts et de perte d’indépendance professionnelle.
16. Que l’Ordre des agronomes entreprenne des démarches auprès des employeurs afin d’assurer l’implantation de la traçabilité de tous les actes agronomiques. La traçabilité des actes agronomiques vise à suivre cet acte dès sa recommandation. Cette trace doit être présente du dossier du client à la facture du produit associé à cette recommandation.
17. Que l’Ordre des agronomes entreprenne des démarches pour assurer sa propre transparence auprès des acteurs externes.