Il y a beaucoup d’adjectifs qui sont reliés à l’agriculture, mais il est vrai que notre méconnaissance est grande. Si vous êtes citadins et que vous ne pensez aux agriculteurs qu’au moment d’acheter leurs produits, il y a cette insouciance involontaire du comment et du pourquoi. Jadis, c’était le premier métier, car rien d’autre n’existait, avant le travail en usine et dans les mines. Le métier d’agriculteur a permis la mise en place d’une société moderne et actuelle. Obtenir un lopin de terre des seigneurs, y construire une maison, défricher la terre et y élever une famille devenait le but ultime des nouveaux arrivants. Les communautés ont vu le jour, des villages se sont formés et une civilisation moderne a pris racine.
Lors de l’industrialisation, les plus vieux garçons partaient pour les chantiers, les mines, les usines afin d’aider leur famille qui trimait du soir au matin pour une pauvre pitance. Les terres où poussaient les roches plutôt que les patates s’agrandissaient au fur et à mesure du nombre d’enfants disponibles pour le travail au champ. Les mères de l’époque avaient la lourde tâche de procréer et de nourrir la famille, mais plusieurs d’entre elles, trimaient aux champs avec leur époux les nouveau-nés accrochés au dos. Elles récoltaient le lait, entretenaient le poulailler et barattaient le beurre. Elles sont devenues rapidement indispensables et ainsi elles ont développé ce sens des affaires qui manquait aux hommes trop affairés au dur labeur de la terre.
De nos jours, l’agriculture est devenue une histoire de famille et le nom de toute la famille est désormais sur plusieurs silos ou sur d’agréables pancartes bien en vue devant l’entreprise familiale.
Nous pensions à une certaine époque que la relève conserverait la vocation, mais les nombreux dédales gouvernementaux a vite fait de réduire presqu’à néant la capacité de transférer l’entreprise aux enfants qui le désiraient.
L’agriculture venait de connaître sa première véritable tempête. Nous les citadins ne pouvons pas comprendre la vie difficile, mais combien valorisante pour nos entrepreneurs agricoles. Nos fermiers et fermières ne comptent pas les heures, des associations, des regroupements, des coopératives se sont créées. Nos fermiers sont devenus des entreprises spécialisées, mais la vocation d’origine n’a rien perdu de son sens profond. L’agriculture de survie est devenue l’industrie de l’agriculture, des écoles ont formé des agronomes indépendants ou des spécialistes au sein de l’entreprise familiale. Les équipements modernes ont remplacé les vieilles et fastidieuses habitudes. Le Crédit Agricole est venu à la rescousse des plus entreprenants et de nouvelles lois et règles ont engendré conflits et mésententes.
L’agriculture simple et source de survie des familles est devenue industrielle et régie par un syndicat et des règles strictes.
Laissons de côté ce volet du monde agricole qui se doit d’être géré de manière à ce que la population puisse retrouver ce dont elle a besoin pour sa survie. Plusieurs personnes qui ont fait de l’environnement leur mode de vie participent à cette nouvelle vague agricole qui se veut plus verte et écoresponsable. Les terres ont vite pris de l’expansion et les nouveaux équipements agricoles ont remplacé les boeufs, les charrues et les cueilleurs de pierre.
Les citadins lors de leurs promenades en campagne ne réalisent pas que les murets de pierre qui séparent certains champs proviennent de cette cueillette printanière. C’était souvent le premier retour au champ pour nos cultivateurs qui après le sirop d’érable reprenaient le travail sur leurs terres. Avant de retourner la terre, ils se devaient d’y éliminer les roches qui migraient du sol sous la force du gel et qui auraient nui à la future récolte et aux bris mécaniques des équipements.
Nos agriculteurs, ces héros !
Nos agriculteurs doivent être vus comme des héros qui, contre vents et bourrasques travaillent du soir au matin pour nourrir une population qui peine à comprendre toute l’importance de l’agriculture. Hommes, femmes et enfants ont un travail précis et constant afin de conserver l’héritage qui désormais n’en est plus un, car les lois et l’avidité des gouvernements mettent une pression énorme sur la relève qui se sent incomprise dans ce monde devenu trop matérialiste. Nous sommes émerveillés à la vue d’un champ de tournesol ou de canola. Nous constatons l’ampleur des élevages de poulets, mais nous ne réalisons pas le travail nécessaire pour que dans notre assiette se dresse un plat désormais raffiné.
Nous notons les effluves de purin lors de l’épandage sans nous demander si la mesure est nécessaire. Notre agriculture mérite tout notre respect, mais de plus en plus d’agriculteurs baissent les bras, car ils n’ont plus la force de se battre contre des géants qui s’accaparent des terres pour en faire une histoire de gros sous.
L’agriculture de base, la vraie, est désormais dans les mains de nouvelles familles soucieuses de leur alimentation et qui désormais nous proposeront légumes et différents produits de la ferme sous une étiquette identifiants des produits BIO. Ils sont bien intentionnés, ils ont le mérite de croire en leur nouvelle vie. Ils deviennent ainsi la nouvelle génération d’agriculteurs qui devront redoubler d’ardeur pour se battre contre la méga-agriculture intensive. La terre a besoin de cet amour passionné pour rendre ses fruits et légumes plus distinctifs. Nous avons besoin de comprendre le changement imposé et nous devons encourager cette passion. Je suis mal à l’aise lorsque dans des marchés publics, je constate que des gens négocient des sous pour des carottes ou des fèves. C’est le dos courbé, les mains meurtries que les agriculteurs agricultrices nous offrent le fruit de leur dur labeur. Je sais que nous recherchons sans cesse le meilleur prix pour notre portefeuille, mais, rappelez-vous que nos agriculteurs veillent au grain et que le monde ne pourra jamais s’en passer.