Site icon LA VIE AGRICOLE / LVATV.CA

Ça va (encore) mal dans le porc : L’intégration aura-t-elle raison de la ferme familiale?

L’industrie du porc québécoise est encore secouée par une crise : Olymel, qui appartient à Sollio groupe coopératif, a annoncé la coupure d’un million de porcs dans ses approvisionnements. Cette coupure massive est justifiée par des pertes financières qui s’accumulent chez Olymel, ainsi que des perspectives de marché pas trop bonnes. Comme Olymel contrôle près de 80 % de l’abattage, c’est l’ensemble de la filière qui sera affecté. On ne sait pas encore chez qui cette dernière coupe se fera : chez les éleveurs indépendants (dit de proximité), chez les éleveurs de porcs à contrat avec les abattoirs, ou dans les fermes corporatives d’Olymel. Si la coupe est faite essentiellement dans les porcs de proximité, on peut dire que c’est la fin des producteurs indépendants et alors l’intégration industrielle aura eu raison de la ferme familiale pour sauver sa peau.

Encore une fois, on se demande comment on en est rendu là. La production porcine est une des grandes productions agricoles du Québec. Bâtie autour de fermes familiales indépendantes, la production s’est graduellement déplacée vers des fermes à contrat ou appartenant à des abattoirs.

L’ASRA, grand allié de l’intégration?

Afin de soutenir les fermes familiales indépendantes, les gouvernements ont mis sur pied des programmes de soutien, L’ASRA en fut un des principaux. À voir ce qui se passe aujourd’hui, on ne peut que se demander si ces programmes de soutien aux revenus agricoles n’ont pas été en fin de compte le grand allié de l’intégration. L’année 2022 aura été un bon exemple, Olymel connaît des difficultés, elle impose unilatéralement une réduction de 40 dollars, puis de 25 dollars la tête de porc sur le prix convenu dans la convention du porc (convention qui a été en arbitrage à la régie des marchés agricoles), un rabais qui devrait être compensé par l’ASRA.

 

Un milliard plus tard et toujours pas de comptes à rendre!

Comble du ridicule les cochons d’Olymel (à contrat et provenant de ses porcheries) vont aussi bénéficier de ces dollars gouvernementaux, ils vont d’ailleurs en avoir une grande partie. Depuis 2009 c’est près de $ 1,000,000,000 (un milliard) que les gouvernements ont mis dans les soutiens à la filière porcine via des programmes d’aide aux producteurs, sans que les abattoirs n’aient à ouvrir leurs livres et ne rendent des comptes aux gouvernements.

Depuis fort longtemps, j’entends dire qu’en production porcine, pour affronter nos compétiteurs, il faut être gros : «Cela nous permettra d’être efficaces et rentables». Aujourd’hui, au final on a un géant qui contrôle 80 % de la filière au Québec, et qui globalement avec ses installations hors Québec est plus gros que l’ensemble de la filière québécoise. Olymel est une entreprise de grosseur internationale : Que demander de plus?

Pourtant, cette entreprise est dépendante des subsides que les gouvernements donnent aux producteurs, parce qu’elle n’est pas capable de payer le prix nord-américain aux producteurs, prix qui est un des plus bas au monde.  Si au moins, c’était pour nourrir notre population, eh bien non ! Une bonne partie des cochons produits va à l’exportation.

Certains vous diront que cela contribue à notre balance commerciale et à notre calcul d’autosuffisance, cela serait vrai s’il n’y avait pas ces subventions massives qui créent des distorsions dans le commerce international et contribuent aux déficits gouvernementaux.

Si au moins les produits que l’on importe avaient le même niveau de subventions dans leur pays d’origine, on pourrait dire que c’est un moindre mal.

Trop gros pour disparaitre : ça va coûter cher!

Il est vrai que notre voisin a des entreprises de très grandes tailles, cependant il y en a plusieurs, dans un marché interne gigantesque, ce qui maintient une compétition dans l’offre et la demande. Si une entreprise devient moins efficace, une autre plus efficace la remplace. Ici, on n’a plus ce mécanisme de régulation et l’on est pris avec un « too big to fail », trop gros pour disparaitre. Le gouvernement devra intervenir dans les prochains mois pour sauver encore une fois la filière porcine, et cela va coûter cher.

Arrêter les subventions déguisées aux abattoirs?

Il est peut-être temps de remettre en question ce principe d’être gros à tout prix, d’arrêter les subventions déguisées aux abattoirs sans qu’ils aient de compte à rendre et d’avoir un système de production qui s’ajuste à la demande en fonction d’un prix plancher.

Pour finir, je vous invite à une petite lecture que je recommande à plusieurs intervenants de la filière porcine, une fable de Lafontaine écrite en 1668: « La grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf ».

 

Une Grenouille vit un Bœuf

Qui lui sembla de belle taille.

Elle, qui n’était pas grosse en tout comme un oeuf,

Envieuse, s’étend, et s’enfle, et se travaille,

Pour égaler l’animal en grosseur,

Disant : “Regardez bien, ma soeur ;

Est-ce assez ? dites-moi ; n’y suis-je point encore ?

Nenni. – M’y voici donc ? – Point du tout. – M’y voilà ?

Vous n’en approchez point.”La chétive pécore


S’enfla si bien qu’elle creva.

Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :

Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,

Tout petit prince a des ambassadeurs,

Tout marquis veut avoir des pages.

 

Quitter la version mobile