Le monde a de plus en plus de faim, et il est dangereux quand il a faim. La demande de nourriture augmente, et le Canada a l’occasion et le besoin d’en faire plus. Le Canada peut aussi être un chef de file dans l’élaboration de solutions aux défis critiques auxquels le monde est confronté. Mais est-il prêt à être suffisamment ciblé, stratégique et ambitieux pour faire de l’alimentation un élément central de notre programme géopolitique et une pièce maîtresse de la place du Canada dans le monde ?
-Tyler McCann, directeur général, ICPA
Tels étaient les messages de haut niveau lors d’un récent événement de l’ICPA à Ottawa, l’Agroalimentaire canadien et la faim dans le monde: Améliorer le rôle du Canada dans un contexte géopolitique en pleine transformation. Cet événement a été organisé en partenariat avec l’Institut canadien des affaires mondiales et l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire.
On dit souvent que l’agriculture aime se parler à elle-même, mais cet événement a été l’occasion d’élargir le dialogue. L’événement a réuni divers intervenants des milieux de l’agriculture, de la sécurité alimentaire et du développement, du commerce et des affaires étrangères. Parmi les panélistes figuraient des ambassadeurs du Japon, de la France et de l’Égypte, le Haut-commissaire du Canada au Royaume-Uni, l’ancien conseiller à la sécurité nationale du premier ministre, des chercheurs en sécurité alimentaire d’Europe et d’Asie et des dirigeants du gouvernement et de l’industrie canadiens.
Le dialogue a porté sur la signification des forces changeantes dans le monde, y compris la transition d’une période de l’abondance de nourriture à une de pénurie, et sur ce que le Canada peut faire à ce sujet. Il est impossible de saisir l’ampleur du dialogue, mais trois thèmes sont importants à souligner.
Premièrement, le Canada est trop complaisant. Il y a maintenant près de 350 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire aiguë dans le monde – 200 millions de plus qu’avant la pandémie. Selon le Programme alimentaire mondial, 828 millions de personnes ne savent pas d’où viendra leur prochain repas. La plupart de ces personnes se trouvent dans des pays éloignés où les liens du Canada ne sont pas profonds.
Outre la nécessité d’une préoccupation humanitaire, de nombreux d’intervenants ont évoqué le lien critique entre les conflits et l’insécurité alimentaire et leur cercle vicieux. Si nous voulons vivre dans un monde sûr, nous devons nous assurer que les autres personnes qui y vivent ne meurent pas de faim.
Le Canada peut faire davantage
Bien que les solutions à l’insécurité alimentaire aiguë soient complexes, le Canada peut et devrait faire davantage. Il est essentiel de souligner les contributions cruciales que le Canada apporte déjà au Programme alimentaire mondial en tant que l’un des plus importants donateurs. Toutefois, la majeure partie de cette aide et de cette attention est consacrée à un soutien réactif. Le Canada doit mieux travailler pour obtenir un soutien en faveur de solutions à long terme à l’insécurité alimentaire dans le monde.
Deuxièmement, il y a une demande croissante de nourriture dans le monde entier, mais il doit y avoir une meilleure coordination et collaboration entre le gouvernement et la chaîne de valeur pour maximiser notre potentiel de captation de cette demande. La stratégie indo-pacifique récemment publiée pourrait être un pas dans cette direction, mais il a été reconnu que le Canada joue un rôle de rattrapage dans la région.
La nécessité d’une approche axée sur le client a été mentionnée à plusieurs reprises au cours de la journée. Il en va de même pour l’accès aux marchés, qui doit être meilleur et plus fiable. Dans le passé, le gouvernement du Canada a essayé de tout faire, de brandir le drapeau, de faire connaître le Canada et de négocier l’accès. Il est ressorti de la discussion que le gouvernement et la chaîne de valeur doivent se concentrer sur leurs responsabilités, mais en adoptant une approche plus collaborative.
La stratégie indo-pacifique
La stratégie indo-pacifique peut mettre cela en action. Les exportateurs canadiens doivent s’attacher à fabriquer des produits qui répondent aux nouvelles exigences des consommateurs, et le gouvernement doit s’efforcer d’offrir un accès au marché favorable au commerce. Chaque partenaire doit se concentrer sur ce qu’il sait faire de mieux, mais tous deux doivent adopter une approche plus intégrée et collaborative dans leur travail.
Enfin, tout au long de la journée, un appel a été lancé en faveur d’un programme plus ambitieux et plus significatif pour l’agroalimentaire canadien. Lors de ses remarques sur le dernier panel de la journée, le Haut Commissaire Ralph Goodale, actuellement à Londres après une longue carrière à Ottawa et à Regina, a donné un aperçu de ce qu’il faut faire pour que l’alimentation passe d’une partie de l’agenda commercial du Canada à une pièce maîtresse de l’agenda géopolitique du pays.
De grands volumes de qualité supérieure
Le Canada doit avoir ce que le monde veut ; il doit être capable de produire de grands volumes de produits de qualité supérieure. Le Canada doit avoir une longueur d’avance sur tous les autres en matière de recherche, d’innovation et de durabilité. De grands projets d’infrastructure hydraulique sont nécessaires pour atténuer les effets du changement climatique. Le Canada doit trouver des solutions nationales à long terme pour l’approvisionnement en engrais. Il faut continuer à promouvoir l’image de marque des produits canadiens. Les agriculteurs devraient être plus présents dans les missions commerciales et diplomatiques afin de mieux faire comprendre les besoins et de mobiliser les appuis au pays. Il faut adopter une approche patiente, lucide et à long terme en Chine et s’efforcer de combattre énergiquement la campagne de désinformation russe, malhonnête mais efficace, selon laquelle les sanctions occidentales provoquent l’insécurité alimentaire. Enfin, le Canada doit être rapide, agile et proactif lorsque des crises surviennent afin de se placer en position de leader. Ne vous retenez pas et n’attendez pas. Soyez plus bruyants et plus visibles, mais stratégiques et ciblés.
À la fin d’une longue journée de réflexion, les remarques du Haut Commissaire étaient un appel à l’action et le point de départ potentiel d’un plan ambitieux pour le secteur agroalimentaire et le Canada. La question est de savoir si nous sommes prêts à y donner suite.