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Crise du porc : Et si l’UPA avait peur pour elle?

ÉDITORIAL- La Vie agricole vous a alerté de la crise qui s’en venait dans le porc depuis mai 2022. Nous sommes en plein dedans et une question se pose : Et si L’UPA avait peur pour elle alors que certains disent que l’enveloppe financière de l’agriculture n’est pas extensible à l’infini ? Depuis quelques jours, Cécilien Berthiaume, producteur de porcs, qui s’était démarqué dans les dernières semaines dans notre média par une lettre publique quelque peu satirique à l’attention de David Duval, président des Éleveurs de Porcs du Québec (EPQ), est devenu le leader d’une contestation de la dernière convention collective dans le porc. Lors d’une conférence de presse en Beauce il a déclaré être soutenu par L’UPA : Et si c’était pour le syndicat tout simplement par crainte de se trouver affaibli par cette crise dans le porc?

Déjà dans les années passées on aura noté que le remboursement des taxes municipales pour des terres agricoles n’était plus un ‘’ bar ouvert’’, il ne serait du coup pas surprenant que l’ASRA soit regardé de près par le Conseil du trésor et spécifiquement le ministre des Finances et cela au-delà même des visées du ministre de l’Agriculture pour le secteur!

Une source nous a d’ailleurs rapporté que le premier ministre Legault lui-même semblait ne pas être très emballé par le soutien permanent d’un système comme l’ASRA qui «déclenche 9 fois sur 10». Il aurait dit : «Ce n’est pas nécessairement le type d’entreprises que l’on souhaite».

Et pourtant, de dire Cécilien Berthiaume : « Il y a de l’argent dans cette production-là et pas seulement aux dépens de l’État».

Pourquoi l’UPA serait-elle craintive?

L’UPA qui a pour habitude de bien contrôler tous les dossiers agricoles craint peut-être que l’explosion des prix du soutien à la filière porcine ne l’amène à des conflits internes entre d’autres filières, ce dont elle se passerait bien.

On dit souvent ‘’Quand le bâtiment va tout va’’, en agriculture c’est plutôt ‘’Quand l’UPA va tout va !’’

Mais les temps changent. On pourrait même penser, si on était quelque peu machiavélique, que cette situation de crise dans le porc est une belle opportunité pour le gouvernement caquiste de dire au syndicat que le party est fini et que le soutien ‘’ad vitam aeternam’, c’est terminé.

Ce qui changerait complètement la philosophie du monde agricole.

Une convention pour les abattoirs?

« La nouvelle convention favorise beaucoup les abattoirs.», a déclaré Cécilien Berthiaume lors de la conférence de presse qu’il donnait en Beauce la semaine passée.

Il a rappelé avoir voulu acheter avec un groupe de producteurs, 21 % d’Olymel et que cela avait avorté. Il a expliqué que les montants de l’ASRA octroyés n’ont permis, selon lui, que de sauver les abattoirs alors que lui et son groupe vise par l’achat partiel d’Olymel une participation des producteurs afin d’avoir « une approche de partenariat».

On constate que les producteurs sur le terrain sont persuadés qu’Olymel fait de l’argent. Pourtant les chiffres communiqués sont clairs, ce n’est pas le cas.

Mais persuadés que les abattoirs c’est rentable, des producteurs aimeraient contrôler ce bout de la filière. N’y a-t-il pas là un terreau fertile pour un ‘’Colbex du porc’’, cet abattoir de vaches de réforme qui a défrayé la chronique pour sa faillite lorsqu’il a été géré par l’UPA il y a une dizaine d’années?

Commercialisation des porcs vivants par les producteurs indépendants, une possibilité?

«On dirait que la production porcine au Québec que c’est une gang de looser. ‘’Ça va pas bien en Chine, Ça va pas bien aux États-Unis. Ça va pas bien nulle part!’’. Moi je vois ça autrement. Il faut trouver des solutions. Je demande à la Régie de nous permettre de commercialiser nos porcs vivants. Si on dit qu’Olymel contrôle 80 % du volume et bien ainsi il y aurait un 5 ou 6 % du volume qui serait contrôlé par les producteurs indépendants. (…) Ça se fait ailleurs dans d’autres productions. On veut fonctionner dans le cadre du plan conjoint (…)», a déclaré Cécilien Berthiaume.

Appuyé par Sébastien Dion du groupe Dion qui évolue dans divers secteurs d’élevages, il a été précisé que l’objectif premier est de vendre des porcs à l’extérieur du Québec pour sauver des fermes familiales et garder le contrôle de la mise en marché par un groupe de producteurs.

Cécilien Berthiaume a aussi expliqué que selon lui Les Éleveurs de Porcs du Québec (EPQ) ne peuvent pas défendre le projet qu’il porte avec son groupe puisque, dit-il, EPQ représentent l’ensemble des producteurs alors qu’eux veulent des clauses spécifiques aux producteurs indépendants. «Mais pas question de déclarer la guerre à qui que ce soit » s’empresse-t-il de dire en rappelant que tout cela sera demandé dans le cadre du plan conjoint à la Régie des marchés agricoles.

Transparence, où es-tu ?

«Avec ce qu’on vit là, on manque de beaucoup de transparence. C’est plus facile aux États-Unis de savoir le prix payé là-bas qu’au Québec», de dire Cécilien Berthiaume.

Pour lui les producteurs indépendants ne sont pas considérés dans la nouvelle convention proposée actuellement, et pour faire la lumière sur le fonctionnement du secteur, il a réclamé une enquête publique. « Y a-t-il présence de collusion dans le secteur ?», lance même Cécilien Berthiaume.

Jean Garon ne disait-il pas d’ailleurs dans ses mémoires que le secteur agricole mériterait une «enquête Charbonneau de l’agriculture» ?

Des questions qui se posent dans le champ!

Les producteurs de porcs qui ne suivent pas la pensée de leur fédération visent à surseoir la convention pour avoir le droit d’exporter des cochons hors Québec et ne pas dépendre d’Olymel. Ils s’étonnent pour certains que Les Éleveurs de Porcs du Québec n’aient pas donné encore le signal de la réduction de production. «Et si Olymel ne le souhaitait pas ? Les EPQ ont-ils la liberté de décider du niveau de production quand 80 % de la production est contrôlée par un seul acteur ?», se demandent des producteurs dans le champ.

Quant à l’abattoir de Vallée-Jonction des rumeurs courent qu’il fermerait avant le 22 décembre en raison de la fuite de la main-d’œuvre qui a bien compris que son avenir ne se joue plus là.

Un dilemme pour la Régie des marchés agricoles

Comme la Régie des marchés est responsable des plans conjoints, c’est devant elle que le tout se jouera. Jugera-t-elle la crise actuelle assez majeure pour dénouer l’impasse en quelques semaines ? Ce tribunal a plutôt habitué les producteurs à des délais plus longs.

Une audience sera demandée par Cécilien Berthiaume et son groupe pour qu’un ensemble de producteurs représentants 350 000 porcs ait une voie indépendante. Les prochains mois seront déterminants.

Une chose est sûre l’envoi de porcs aux États-Unis permettra sûrement de sauver à court terme des fermes familiales indépendantes, mais on serait alors loin du discours tenu sur l’agriculture de proximité tant par L’UPA que le MAPAQ depuis la pandémie.

Mais comme le disait Sébastien Dion lors de la conférence, «La production porcine est cyclique et si on défait la structure, les porcs n’existeront plus quand les prochaines opportunités se présenteront : les porcs ne seront plus là».

La Régie des marchés sera réellement face un choix.

 

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