Les grands oubliés de cette mise à jour économique

Yvon Picotte, ancien ministre de l’Agriculture

L’été dernier, le Québec a vécu deux phénomènes exceptionnels : des feux de forêt sans précédent au nord alors qu’au sud des pluies torrentielles causant un déluge de perte dans les champs. Un article de La Presse du 9 novembre nous apprenait que 60 % des superficies maraîchères avaient été endommagées par les pluies torrentielles causant 42 % de pertes financières. Des pertes importantes pour les légumes de champ, les pommes de terre, les légumes de transformation, les fraises et les framboises. Au lendemain de la mise à jour économique du gouvernement, le ministre André Lamontagne a fait des rencontres. À mon avis, et bien qu’en dise l’UPA, l’horticulture et les producteurs maraîchers sont les grands oubliés de cette mise à jour économique. Aucune mention ni aucune somme additionnelle prévue pour les agriculteurs et les producteurs maraîchers.

Voici quelques chiffres révélateurs sur la situation alarmante causée par l’excès d’eau :

  • Pour les pois verts : 88 % des superficies affectées causant pour 48 % de pertes;
  • Du côté des pommes de terre, 50 % des superficies affectées causant 35 % de pertes;
  • Pour les productions de légumes racines, ce sont 64 % des superficies affectées causant des pertes de 46 %;
  • Du côté des fraises et framboises, 73 % des superficies affectées causant 44 % de pertes.

Comme tant d’autres l’ont fait, le constat est le suivant : les producteurs agricoles n’ont plus les moyens de s’assurer. À peine 50 % des producteurs maraîchers et environ 30 % des producteurs de fraises et de framboises sont aujourd’hui assurés. Sont-ce les coûts prohibitifs liés aux risques causés par les changements climatiques ; sont-ce les critères du programme trop restrictifs pour que les producteurs espèrent recevoir quelques dédommagements? Monsieur le ministre, se poser ces questions aujourd’hui à la lumière des faibles taux d’adhésion me laisse pantois.

À ce que je sache, la démonstration qu’il faille modifier l’assurance récolte n’est plus à faire. Le monde agricole n’a-t-il pas déjà assez souffert ces dernières années! Durant combien de mois, voire d’années, le milieu agricole doit-il attendre afin d’obtenir un ajustement de l’intervention financière du gouvernement ? Pour mettre du baume sur les plaies, le ministre a annoncé une aide de 50 000 $ afin de réaliser une étude sur les facteurs qui limitent l’adhésion de ses membres au Programme d’assurance récolte. Vous me direz à juste titre : encore une autre étude? Comme ancien politicien, je sais que l’administration gouvernementale se sert de cette stratégie pour gagner du temps!

Le train est passé pour les grandes entreprises qui ont obtenu leur part du gâteau, le gouvernement de la CAQ ayant emprunté 7,5 milliards de dollars afin de leur assurer des prêts avec ou sans intérêts.

Est-ce trop demandé de reconnaître l’apport du secteur agricole dans le prochain Discours sur le budget en adaptant le programme de l’assurance récolte d’ici l’été 2024 et qu’on remplace le compte d’urgence, comme le souligne l’OCDE, par une politique agricole à la hauteur du défi climatique ?

 

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