Par M. Christian Overbeek, président, Producteurs de grains du Québec (PGQ)
L’année 2023 tire à sa fin et il est permis de poser un regard nuancé lorsque vient le temps de faire le bilan du développement de l’agriculture québécoise, notamment en ce qui concerne le secteur des grains. En effet, si de grandes réalisations ont eu cours lors des douze derniers mois, force est de constater que des écueils guettent et pointent à l’horizon – continuant de maintenir l’agriculture sous pression.
Le 6 décembre dernier, environ mille productrices et producteurs agricoles ont répondu à l’appel de l’Union des producteurs agricoles en se joignant à la Marche de la solidarité à Québec pour l’avenir des fermes québécoises et de la relève agricole. Cela témoigne d’une grande résilience de la part de ces acteurs indispensables à la pérennité de la souveraineté alimentaire et au développement d’une agriculture durable. Les agriculteurs sont au cœur d’un projet vital — celui de nourrir les Québécois avec des aliments de qualité — et plus que jamais, ils ont besoin du soutien de l’État, en particulier dans un contexte de compétitivité et de changements climatiques, dont ils sont à même de constater les effets sur les récoltes.
La modernisation des pratiques agricoles dans une perspective de développement durable est la plupart du temps financée par les producteurs eux-mêmes, ce qui mine leur confiance et celle de la relève en l’avenir de la profession. Parallèlement, des entraves réglementaires planent sur les activités agricoles et font porter l’odieux aux producteurs d’oser réclamer des accommodements pour le secteur en raison des grandes attentes sociétales.
C’est le cas notamment du Régime transitoire de gestion des zones inondables, des rives et du littoral, le Code de gestion des pesticides et plus largement, la Loi sur la qualité de l’eau. Aussi, le gouvernement et les milieux politiques s’entendent sur le principe de la protection des territoires agricoles malgré le fait que la cocréation du Règlement sur les exploitations agricoles menace plutôt de le restreindre. Tout cela nous apparaît incohérent et équivaut à « déshabiller Pierre pour habiller Paul », comme le dit l’expression consacrée.
Quant à eux, les Producteurs de grains du Québec feront désormais un décompte des impacts négatifs et répétés sur le secteur des grains qu’ont les enchères sur les crédits carbone du Québec. Les producteurs déboursent annuellement 26,5 millions $ en droit d’émission de GES pour l’utilisation d’intrants énergétiques, ce qui est énorme et pénalise les entrepreneurs d’ici. Nous réclamons une meilleure équité en matière de tarification carbone vis-à-vis de nos concurrents et appelons le gouvernement à compenser les coûts essentiels — comme le diesel agricole.
Les producteurs ont le potentiel d’accroître encore davantage leur contribution à la réduction de l’empreinte carbone du secteur s’ils ont accès à des outils et investissements appropriés — ce qui n’est pas exactement le cas présentement.
Des questions se posent toujours. Le gouvernement souhaite protéger le territoire agricole, encourager la relève et stimuler la compétitivité, mais du même souffle augmente les contraintes à la production — au même titre qu’il affirme vouloir dynamiser les bonnes pratiques environnementales sans toutefois offrir le soutien régulier nécessaire. À l’orée d’une nouvelle année, nous estimons qu’un virage vers plus de cohérence s’avère nécessaire au gouvernement.