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Le Projet 2025 et l’agriculture québécoise: de vilains tours si Trump revient à la Maison blanche

Par Marc Dion, ancien sous-ministre au MAPAQ

On parle peu du Projet 2025 même si l’élection présidentielle de novembre prochain pourrait entrainer des conséquences importantes sur l’économie et la politique agricole québécoise. L!entrée de Donald Trump à la Maison-Blanche est susceptible de nous jouer de vilains tours. Compte tenu de son impact potentiel chez nous, on ne peut ignorer ce document.

Le Projet 2025 intitulé Mandate for Leadership: The Conservative Promise1 est un texte de 887 pages issues d’un groupe conservateur de réflexion, le Heritage Fondation. Il est formé notamment de républicains influents et s’appuie sur une centaine de coalitions partenaires. L’objectif du Projet 2025 est de préparer l’accès au pouvoir et la transition présidentielle américaine en prévision de l’élection du leader républicain. Jusqu’à présent, les médias d’ici sont restés muets sur le fait que les résultats de cette élection pourraient avoir des répercussions majeures sur l’agriculture et l’agroalimentaire du Québec. Ceux-ci consacrent leur couverture aux thèmes centraux de la campagne de 2024. En marge des grands débats nationaux, la question agricole est pourtant bien abordée dans le Projet 2025.

Un document stratégique
Plusieurs propositions du Projet 2025 pourraient être appliquées à la suite d’une victoire républicaine. Donald Trump a pris certes ses distances avec le groupe Heritage Fondation. Ce positionnement politique nous apparait cependant comme une manoeuvre électorale. Car d’une part depuis son échec électoral de 2020, le discours de l’ancien président se radicalise et d’autre part, le Projet 2025 est une pièce
stratégique produite notamment par certains de ses anciens conseillers influents.

Rappelons que ce Projet vient tracer une feuille de route visant à réformer de fonds en comble l’administration du gouvernement central des États-Unis notamment en augmentant les pouvoirs du Président et en mettant en oeuvre une panoplie de mesures
ultraconservatrices dans plusieurs domaines, dont l’agriculture.*

Un virage radical pour l’agriculture
Le Projet 2025 recommande une transformation en profondeur du rôle du ministère américain de l’Agriculture (USDA). On y suggère de retirer aux agriculteurs le soutien d’interventions gouvernementales non essentielles. En contrepartie, le USDA devrait lever les réglementations et barrières qui freinent la production agricole et les services aux Américains. Selon ce projet, le client du USDA doit être l’américain en général et non les groupes d’intérêts représentant les agriculteurs, les transformateurs de viandes ou les organismes de pression environnementale, etc.

Plus précisément, on met en cause le rôle stratégique joué par le USDA concernant notamment les changements climatiques et l’agriculture biologique. On entend mettre fin à de nombreuses mesures de développement durable mises en oeuvre au cours des dernières années. Conformément à sa philosophie conservatrice, le Projet 2025 favorise une réduction importante de la taille et conséquemment de l’intervention de l’État en agriculture. Voilà pourquoi ces propositions sont vues comme radicales par les démocrates.

La politique commerciale et le Québec
Le Projet 2025 propose non seulement d’éliminer les obstacles gouvernementaux à la production alimentaire (climat, environnement, règles administratives et programmes d’aide financière), il entend également lever les barrières commerciales étrangères qui limitent l’accès des produits agricoles américains. Un chapitre du Projet 2025 est consacré à une politique commerciale internationale renouvelée et très protectionniste, voire isolationniste. Ici, tout en redéfinissant sa philosophie économique internationale et en se repliant sur elle-même, les États-Unis érigeraient de nombreuses barrières au commerce.

Attention ! Alors que le Québec exporte la grande majorité de ses produits agroalimentaires aux États-Unis, l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) ainsi que les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pourraient être remises en question. Dans ce contexte, il serait plus difficile de traverser la frontière sud avec certains de nos produits et plus facile pour des produits américains d’entrer chez nous.

La mise en oeuvre de cette réorientation du USDA et de la politique commerciale internationale des États-Unis porterait un véritable coup de Jarnac à nos exportations et un choc pour notre politique agroalimentaire. On peut même prétendre que celle-ci pourrait menacer le système canadien de gestion de l!offre. Le ressac économique de cette réorientation de la politique américaine serait sans précédent.

La conjoncture électorale
L’élection de Donald Trump n’étant pas acquise, la mise en oeuvre du Projet 2025 demeure incertaine. Cependant, selon les résultats du scrutin, il est possible que celui-ci vienne bousculer notre politique de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Bien que nous ne soyons que des spectateurs dans ce débat électoral américain, on doit s’intéresser à ce document. Nous croyons qu’un gouvernement Donald Trump 2.0 nettement plus protectionniste pourrait rompre les équilibres actuels.

*https://www.documentcloud.org/documents/24088042-project-2025s-mandate-forleadership-
the-conservative-promise

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